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même temps, on répara les « boulevards, » ouvrages de terre soutenus de fascines et garnis de pieux en avant des portes ; on y joignit des barrières intérieures et extérieures et, sur tout le pourtour du front, on « redressa » les fossés.

En réponse aux ridicules bruits de « charrue sur la ville, » le duc d’Alençon, ayant cru bon d’adresser au Prévôt de Paris et au Prévôt des marchands des lettres, conçues en aimables termes, « les nommant par leur nom » et leur mandant « des saluts en bel langage, » le fielleux Chuffart ne manque pas de marquer en ses notes : « On aperçut bien leur malice, et leur fut mandé que plus ne gastassent leur papier pour ce faire. » Il essayait de plastronner ; il tremblait.


II. — LES MURS DE CHARLES V

Cependant, la Pucelle profitait des escarmouches, qui chaque jour se livraient autour des murs, pour « considérer la situation de la ville et par quel endroit il lui semblerait plus convenable de donner un assaut [1]. » De la porte Saint-Antoine à la porte Saint-Honoré, aux deux extrémités opposées, elle avait reconnu la longue ligne de murailles commencées sous Charles V, une cinquantaine d’années auparavant, et achevées sous Charles VI, juste à temps pour servir aux Anglais. A l’extrémité Est, l’énorme masse de la Bastille, flanquée de ses huit tours, et toute éclatante au soleil en ses pierres encore neuves, découvrait au loin la campagne et dominait la ville. A la droite de la forteresse, en regardant vers le dehors, la muraille se prolongeait jusqu’à la Seine ; à sa gauche, et comme sous sa protection, s’ouvrait la porte Saint-Antoine. A partir de là, vers l’Ouest, les murs se développaient en demi-cercle, sur un front de plus d’une lieue, flanqués de distance en distance de tours rondes à toits pointus. Le sommet du mur, exhaussé de créneaux vers le dehors, s’étendait vers l’intérieur, sur une largeur assez grande pour former un chemin de ronde capable de recevoir les canons.

Des portes à plusieurs étages dominaient la muraille à l’issue des principales rues. L’énumération de ces portes nous permettra de définir, de façon assez nette, le tracé de cette

  1. Chronique de Perceval de Cagny. Ayroles, III, 190.