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promis. Derrière se pressent quelques femmes et filles de Bœrsch et de Klingenthal.

Entre temps, le soleil est descendu vers l’horizon et lance ses rayons les plus ardents. Toutes les têtes paraissent enluminées. Les tonnelets de bière pour les soldats sont enfin mis en perce, et la fête devient plus bruyante. En me promenant de ci et de là, je remarque, derrière un buisson, le petit enfant du garde forestier installé tout seul dans sa petite voiture. Il a perdu son biberon et pousse les hauts cris. Un officier s’approche, le console, et l’ayant tiré de sa voiture, s’accroupit dans l’herbe à côté de lui, se fait tirer la barbe et embrasse les menottes de l’enfant à pleine bouche. Schimmelmann me montre ce tableau touchant : « Et l’on nous traite de Barbares ! » Pour ma part, je trouve que l’officier le fait un peu à la pose.

Enfin le signal de la représentation est donné, et tout le monde dévale vers l’endroit choisi pour la mise en scène. Quelques bancs, fixés en terre, forment le parterre des spectateurs. J’étais déjà installé avec les enfants quand le colonel fait apporter des chaises et nous oblige à prendre place à ses côtés. Le point de vue est bien choisi, c’est sur la lisière d’un bois de jeunes pins. Entre les arbres on voit brouter les chevaux blancs : une tente, quelques tables et chaises complètent le décor. Le soleil a disparu ; tout parait estompé ; les feux de bivouac, qu’allument les soldats de Wallenstein, découpent leurs flammes rouges sur le fond noir des pins. L’illusion est complète et obtenue avec peu de chose. J’attendais avec une certaine méfiance la déclamation des acteurs. Mais, dès les premiers mots, mes douter étaient dissipés. Acteurs, diction, tout est parfait.

A 8 heures et demie, tout est terminé. Je félicite Bieberstein du succès de la soirée ; il jouit de son triomphe. Il veut nous obliger à profiter de sa voiture, mais je suis saturé de relations militaires, et nous préférons rentrer par la forêt.


LA FÊTE DE L’EMPEREUR SUR LA PLACE KLEBER

Durant toute la guerre, l’Allemagne, experte en mise en scène militaire, s’est efforcée de frapper les imaginations ; mais, à la vérité, en 1915, en 1916, les forces morales et matérielles de son armée étaient encore intactes. M. Spindler n’était pas dupe d’un mirage en voyant défiler les soldats de Bieberstein. Cependant ce sentiment de la grandeur militaire de l’Allemagne ne diminuait en rien la certitude