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fourrés Enfin il en revient brandissant un récepteur téléphonique : « Un record ! en vingt-deux minutes la communication a été établie entre ici et Léonardsau, soit deux kilomètres et demi ! » Et il insiste pour que je téléphone à ma femme de nous venir rejoindre. Je décline l’offre, prétextant que je n’ai pas le téléphone à la maison... Derrière un arbre, je vois installé à demeure un soldat qui a tout le temps le récepteur à l’oreille, vu qu’on n’a pas encore eu le temps de munir l’appareil d’une sonnerie d’appel.

On nous photographie ; le colonel distribue des prix à une équipe de coureurs... Moi qui suis surtout venu pour la représentation théâtrale, je commence à trouver qu’elle se fait bien attendre ; les enfants paraissent de mon avis...

A trois heures, nouvelle agitation. Bieberstein nous annonce qu’il va passer son régiment en revue... Peu à peu la colline se vide. Tout le régiment se masse de l’autre côté de la route de Gendelbruch dans les prés. Les chefs de bataillon ont rejoint leurs formations... Nous voici, le curé et moi, formant l’état-major du colonel et nous avançant à sa suite, tandis que trois ou quatre appareils ne cessent de nous prendre au passage. Le régiment est massé en Compagniefronten ; le drapeau, porté par un sous-officier barbu, est placé au premier bataillon. Défilé en Parademarsch sur la route. Les hommes sont en général de grands gaillards frisons, hanovriens, et oldenbourgeois. Schimmelmann, qui est venu nous rejoindre, me fait remarquer que c’est déjà le neuvième ersatz ; neuf fois déjà l’on a complété l’effectif décimé par la guerre. « Et voyez quels hommes ! Ah ! l’Allemagne est inépuisable, et nous pouvons faire face à un an de campagne. » Puis il me prend par le bras et nous faisons un tour sur la colline où ses soldats ont de nouveau repris leur place dans l’herbe. On ne leur a toujours point fait de distribution. Tandis que les officiers se versent des rasades de vin et de bière, ils les regardent faire...

Un capitaine vient nous inviter à assister à des exercices de gymnastique exécutés par un acrobate de profession qui est dans sa compagnie... Puis paraît un volontaire de Bischoffsheim ; il est en clown, le nez et le menton peinturlurés en vermillon. Bieberstein ne manque pas d’offrir, avec ses félicitations, des verres de bière aux exécutants... Les soldats sont toujours à sec et attendent patiemment qu’arrivent les tonnelets de bière