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L’ALSACE PENDANT LA GUERRE
JOURNAL D’UN ARTISTE ALSACIEN

II[1]
1914-1918

Dès octobre 1914, les Alsaciens étaient à peu près dans l’état d’esprit où les trouvera la signature de l’armistice ; ils attendaient avec impatience la victoire des Alliés. Désormais, ils suivront avec anxiété les vicissitudes de la guerre, dissimulant plus ou moins leurs sympathies, leurs dégoûts, leurs angoisses ; mais, tous en appelant ardemment la paix, sous-entendront la paix de la délivrance, la paix française : à chaque page du manuscrit de M. Charles Spindler, on en découvrirait la preuve.

Cette preuve est-elle encore à faire ? Au risque de leur vie, 20 000 Alsaciens et Lorrains se sont dérobés au service militaire allemand. Beaucoup avaient gagné la France à l’heure de la mobilisation. Le plus grand nombre, sans doute, demeure jusqu’à la fin dans l’armée allemande ; mais, mal sûr de leur fidélité, le commandement les dirigeait sur le front oriental où ils ne cherchaient qu’une occasion de passer à l’ennemi. Pendant quatre ans, des listes de déserteurs furent affichées dans toutes les mairies de l’Alsace ; elles se seraient encore allongées, si la plupart de ceux qui souhaitaient déserter, n’avaient craint d’exposer à de terribles représailles leurs parents demeurés au pays. Elles ont aussi leur éloquence, les condamnations que des conseils de guerre, établis tout exprès dans les principales villes du Reichsland, infligèrent pour Deutschfeindlichkeit. À cause de ce délit nouveau, 8 000 personnes furent arrêtées et jugées de 1914 à 1918 (ces chiffres ont été donnés par M. Hœgy, député au Reichstag, eu

  1. Voyez la Revue du 1er avril.