Page:Revue des Deux Mondes - 1923 - tome 14.djvu/866

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

baquet magique. Mais nous causons toujours pour le plus grand bien de nos malades.- On les appelle neurasthéniques aujourd’hui ; encore un vocable nouveau pour une chose qui ne l’est pas. Sans doute, nous recherchons, pour les combattre, les causes physiques de la neurasthénie, mais nous nous attaquons directement au syndrome mental lui-même. Ces malheureux nous arrivent, un papier à la main, afin de ne rien oublier des souffrances qu’ils éprouvent, désadaptés, désemparés, désarmés de leur volonté : ils se redressent à mesure que nous parlons ; peu à peu nous les remettons sur le chemin de l’adaptation et de l’effort. D’un malade, s’il est imaginaire, nous ferons un imaginaire bien portant. Aux images sombres et accablantes nous en substituons d’autres claires et toniques : nous changeons les tapisseries de la maison. Les dernières et bienfaisantes images restent maîtresses du champ psychique, dans la mesure où nous savons leur donner de la force et de la séduction.

Que de fois le médecin regrette de n’avoir pas le pouvoir des Fées ! Mais ne l’a-t-il pas un peu ? N’est-il pas toujours, pour le malade, le Mire d’autrefois, qui sait des choses mystérieuses, dont la parole vient de loin, tombe de haut, avec des vertus surhumaines ? Il parle, et voici que le miracle s’accomplit.

Plusieurs peut-être, parmi ceux qui liront ces lignes, se rappelleront des heures de détresse où ils ont entendu des paroles merveilleusement secourables, souveraines, quasi divines, comme en savait répandre sur les rivages de l’Ionie Esculape, fils d’un Dieu, Dieu lui-même.


III

Telle est la conversation que le médecin se doit proposer, et elle lui sera d’autant plus facile qu’il aura davantage l’esprit clinique. C’est un point que nous allons mettre en lumière à l’aide de quelques remarques sur cet esprit.

Il est avant tout un esprit de finesse. Dans la réalité concrète que le malade nous offre, il y a de la matière et de la vie. L’une est quantité qui se mesure, l’autre qualité qui ne se mesure pas. La première relève de la science et en est l’unique objet : la seconde n’en relève pas. A l’une conviennent donc l’esprit et le langage scientifique ; à l’autre, l’esprit et le langage de la finesse.

Insistons sur le langage, parce qu’avec lui nous sommes au