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diables étaient si méchants qu’ils sortaient du corps des possédés pour entrer dans celui des exorciseurs, « qu’ils faisaient tressauter de mille manières. » De cette scène d’horreur quel médecin n’a vu la douce réplique ? Dans notre dure vie, les jours ne sont pas rares d’amertumes et de découragement où l’âme héroïque du malade passe parfois pour la redresser dans celle de son guérisseur.

En somme, comme il n’y a rien de l’être physique que le médecin ne, retienne, il n’y a rien non plus de la personnalité morale, telle que l’âge, le métier, l’ambiance familiale, l’éducation, la culture l’ont déterminée, façonnée, qu’il ne veuille aussi retenir. Il veut du malade « l’humanité » tout entière :


Medicus sum, et nihil humani a me alieimun puto.


II

Quels moyens avons-nous de savoir tant de choses ? On pense d’abord à l’interrogatoire et nous ne manquons pas d’en user. Nous interrogeons le malade, ses parents, ses amis, ses serviteurs, tous ceux qui, sur lui, peuvent porter témoignage. Mais, en fait, l’interrogatoire ne nous donne que ce qu’on veut bien dire et souvent nous refuse ce dont nous sommes le plus curieux.

L’interrogatoire est une méthode grossière, une sorte d’attaque directe et à découvert, qui ne peut rien surprendre. Dès les premières questions, celui qu’on interroge se met sur ses gardes et, quand on touche au point sensible, il a tôt fait de se réserver. Le même interrogatoire devient une méthode fine très efficace, s’il se cache dans le déroulement d’une conversation d’apparence désintéressée où, sans poser des questions, on obtient des réponses. Beaucoup de choses en nous sont à fleur de cerveau et au bout de la langue, gardées secrètes par notre seule vigilance. Que celle-ci soit un instant en défaut, voilà que dans une incidente, un mot, une réticence, un jeu de physionomie, le secret s’échappe et s’envole.

Rien ne vaut comme des conversations fréquentes et familières pour apprendre sur le compte d’un homme ce qu’il veut nous cacher. Le juge d’instruction, — l’homme de l’interrogatoire par excellence, — le sait mieux que personne et voudrait bien causer avec son client. Il y réussit quelquefois, mais le