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l’autre ne s’acquièrent. La patience, plus modeste, s’acquiert et on peut y aider. C’est de l’adaptation avec un fond d’optimisme inconscient.

La qualité de l’âme nous importe avant tout, et les apparences sont si souvent trompeuses ! Tel se montre d’un courage superbe, d’acier trempé, dans le plein de l’action et le feu du combat, qui tombe à plat dès que la souffrance le condamne au repos. Tel autre se retourne, s’ingénie et trouve dans les petites choses le moyen de mener une vie supportable et même utile. Ah ! les pauvres petites choses, — menus travaux, modestes joies, légères manies, — qu’on dédaigne dans l’orgueil de la santé, sans se douter de leur bienfait quand on l’a perdue !

Le bonheur est dans l’action. Sommes-nous forcés d’y renoncer, un goût est excellent pour nous la faire oublier, comme celui des lettres, des sciences, des arts. Mais ce goût, ne l’a pas qui veut. Une manie peut utilement prendre sa place. « Si une fée, écrivait Ernest Bersot, me permettait de faire trois souhaits, comme je l’ai lu dans les contes, je serais prêt : le premier serait qu’elle m’accordât une manie, le second qu’elle pût être satisfaite sans trop de frais, le troisième qu’elle ne le fût jamais complètement. » Les fées devraient se montrer secourables à celui que la maladie réduit à voyager dans son jardin ou autour de sa chambre. Et nous, médecins, tâchons de bien connaître l’homme dans le malade pour discerner la petite manie qui lui convient, la favoriser et, au besoin, la faire naître.

Il nous faut vraiment connaître l’âme du malade et les sources où elle s’alimente. Nul ne sait mieux que le médecin la valeur pratique du sentiment religieux, son admirable « efficiency, » comme disent les Anglo-Saxons. La maladie est une épreuve très révélatrice et il y a des surprises. Ici l’armature religieuse était très forte qui, les mauvais jours venus, se trouve en défaut ; ailleurs, au contraire, une âme indifférente, presque hostile, voit monter des profondeurs toute une échelle insoupçonnée. Le jeu de la pensée claire nous absorbe tellement qu’il nous empêche souvent de voir l’importance de celle qui ne l’est pas. Celle-ci se tient discrètement en réserve. Le médecin sait par expérience que la maladie et la religion, quand elles rencontrent certains dons naturels, font des âmes extraordinaires, exquises. Ces âmes ont une grande vertu de rayonnement. Dans les exorcismes du moyen âge, certains,