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prix le compromis ? Quels sont les sacrifices, les inhibitions, les suppléances ? Quelle est la rançon ? Voilà le malade et il nous faut le connaître.

L’interroger, fouiller son passé personnel et héréditaire ; l’examiner, le palper, le percuter, l’ausculter est un jeu pour nous. L’emploi d’une foule d’appareils et d’instruments nous est familier. Puis, le laboratoire s’ouvre où la chimie, la physique, la micrographie, la bactériologie, l’expérimentation sur les animaux nous attendent, qui merveilleusement combinent leurs moyens et associent leurs efforts. Là où, il y a cinquante ans, conjectures, hypothèses, probabilités, réserves, timidités se succédèrent, relevées de temps en temps par un vocable à résonnance métaphysique, des certitudes sont établies solidement enchaînées. Que d’états fébriles graves, à symptômes imprécis, qui ne franchissaient pas le misérable diagnostic de fièvre continue sont devenues des fièvres typhoïdes, paratyphoïdes, de Malte, des méningites cérébro-spinales, des bacilloses. Du temps que j’étais interne à l’hôpital Saint-Louis, des malades y passaient leur vie, porteurs de lésions de la peau mal différenciées, qu’on montrait aux élèves comme autant de problèmes : je me figure que les problèmes sont moins nombreux depuis que le laboratoire rend ses oracles. Les médecins dont la carrière s’incline vers son terme vont répétant chaque jour le mot de Voltaire : « Les jeunes gens sont bien heureux, ils verront de belles choses ! » Et, de fait, quelles espérances ne peut-on concevoir ?


Ainsi, nous connaissons la réponse de l’être physique à l’agression morbigène dont il a été victime. Cette connaissance, aussi complète que le permet l’état actuel de la science, ne nous donne pas le malade tout entier. Il nous manque la réaction de son être moral, qui est proprement la réponse de son âme. Il est utile de la connaître dans la maladie aiguë, indispensable dans un état chronique. Nos réflexions s’appliquent principalement aux maladies qui durent parfois toute une vie, même assez longue.

Nous sommes à la dernière étape de notre investigation. Le laboratoire se récuse, désormais non qualifié. Nous ne pouvons donner ici qu’un faible aperçu de nos curiosités, nombreuses et très diverses, mais reliées ensemble par leur fin commune. Il