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du malade, dont il a pris charge et responsabilité C’est une réalité concrète, complexe, touffue, qu’il veut débrouiller, tirer au clair. Il y réussit : son plan est bon, précis, logique. Il va du superficiel au profond, du simple au composé, des éléments grossiers, accessibles, fermes à d’autres délicats, cachés, fuyants. On peut le suivre en marquant les étapes.

Voici la première franchie. Nous savons quel est l’organe malade, la lésion dont il est atteint, ses limites, sa nature. Nous donnons à la maladie son nom, un de ces noms qui représentent les grands types morbides dans lesquels les livres classiques enferment toutes les souffrances de notre pauvre guenille. Nous tenons notre diagnostic, comme on dit en jargon médical, de quoi notre esprit, avide de clarté, triomphe. Soyons modestes : il nous reste tout à faire ! Ces types morbides, écrits pour des fins didactiques, sont à la fois très faux et très vrais ; l’un, parce que les cas réels ne leur correspondent jamais exactement, l’autre, parce que tous les éléments de la description sont empruntés à l’observation rigoureuse des faits.

Il nous faut la maladie, telle que le malade la détermine. La maladie est un acte, le plus personnel et le plus intime qui soit. Dans un certain sens, le malade crée sa maladie comme l’artiste son œuvre. Il nous faut le malade. La maladie est une catégorie de notre esprit ; le malade est la réalité même avec laquelle notre esprit se mesure. Il est là devant nous sur son lit, étendu, qui souffre, se plaint, nous appelle, nous implore, met en nous sa confiance et son espoir, qui nous payera de sa gratitude sous toutes les formes qu’elle prend : notre ambition est de le guérir, de le soulager, de le consoler. Sans doute il est pulmonique, graveleux ou cardiaque, avec des lésions précisées, mais à sa manière, si bien qu’il ne ressemble pas du tout à son voisin, qui l’est aussi, avec les mêmes lésions.

Un élément étranger, microbe ou poison, s’est introduit dans l’organisme, se fixant sur un point, ou se répandant partout. Comment tissus et humeurs accepteront-ils cette nouveauté ? Quelle sera leur réaction, leur réponse ? Tantôt la lutte est violente, dramatique, sans espoir d’accommodement ; la catastrophe suivra. D’autres fois les choses s’arrangent, s’équilibrent : c’est la paix solide et durable, c’est la guérison. Trop souvent, la paix est boiteuse, simple compromis à échéance plus ou moins lointaine, en somme l’état chronique. Mais à quel