Page:Revue des Deux Mondes - 1923 - tome 14.djvu/846

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

dans mes Etats, de la retenir à Trieste, à Udine ou bien dans quelque autre ville de province, mais de ne point la laisser arriver jusqu’au Roi sans l’autorisation de celui-ci. Toutefois, elle pourrait parvenir à son but sous un déguisement ; il faut y prendre garde, car Charles X doit être maître chez lui. Ce qu’il exige, je l’exigerais de la même manière. C’est absolument indispensable sous le rapport de l’honneur, de la morale, des intérêts. L’acte que réclame le Roi, il a raison de le réclamer. En tout ceci, il faut penser à l’avenir du Duc de Bordeaux, qui doit monter un jour sur le trône de France. Je trouve qu’on a commis des fautes pour l’éducation du jeune prince. Vous et moi, me dit-il avec bonhomie, pouvons en ces matières agir à notre guise, mais il n’en va pas de même pour la famille royale proscrite.

Cet entretien avec l’Empereur dura une heure. Sa Majesté me traita avec une grande bonté. Je lui donnai toutes les explications qu’elle me demanda, lui communiquant les lettres de Charles X au roi de Naples et à la Duchesse de Berry, ainsi que celle de Mme la Dauphine.

— Remerciez le Roi, ajouta l’Empereur, de la confiance qu’il me témoigne. Je vois comme lui dans cette affaire. Mme la Duchesse de Berry n’approchera point de Prague sans son agrément. Si elle arrivait à l’improviste, il pourrait lui fermer sa porte. Quand vous verrez Seldnitsky, convenez avec lui de tout ce que vous jugerez utile et convenable.

Après cette audience et une conversation avec le chargé d’affaires de Naples, je revins à Buchtirad.

Avant les révélations que M. de Caraffa me fit le 25, Charles X avait composé pour le roi de Naples une lettre dont j’ai reproduit plus haut un extrait. Le nouvel état des choses lui en dicta une autre ainsi conçue :


« Monsieur mon frère et neveu,

« J’avais répondu avec empressement à la lettre par laquelle Votre Majesté réclamait le tendre intérêt, la bienveillance paternelle que j’avais montrés dans toutes les occasions à la Duchesse de Berry dont elle reconnaît toutefois le défaut de franchise et les torts à mon égard. Votre Majesté ajouta qu’elle avait conseillé à cette princesse de ne pas céder à son empressement, de ne point se rendre à Prague avant qu’elle eût reçu mes ordres et le consentement de l’Empereur.