Page:Revue des Deux Mondes - 1923 - tome 14.djvu/845

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

dans ses résolutions a déjà dépêché le comte de la Ferronnays pour la précéder.

Je dus informer de tout cela la famille royale. Le 26, à huit heures du matin, je m’étais rendu chez la Dauphine. Je la trouvai portée à l’indulgence et à la conciliation. Quant au Dauphin, il répétait : « Si elle vient, je m’éloigne aussitôt.» Le Roi apparut, tenant une lettre à la main. Il était on ne peut plus agité. La veille au contraire, j’avais remarqué son accablement.

— Partez immédiatement dans ma voiture, me dit-il, et portez ce billet à l’Empereur. Je suis résolu à ne pas recevoir la Duchesse de Berry qu’elle n’ait rempli les conditions exigées par moi.

Je me mis en route pour Prague, à neuf heures du matin. Sur le chemin, je croisai le prince et la princesse de Saxe se rendant à Buchtirad. C’était le premier beau jour. Je débarque au palais pour demander le comte de Crenneville auquel je communique mon désir de voir l’Empereur. Il part aussitôt à travers le dédale des corridors. Quelques minutes après, il revient et me dit :

— L’Empereur vous prie de rester à diner. Après, il vous donnera audience. Quoique tout son temps soit pris, Sa Majesté a déclaré qu’elle vous tenait en trop grande affection pour vous faire attendre.

A table, je suis placé entre la comtesse Lazanski et la comtesse Weveld. Dans l’assistance, je reconnais le colonel Appel, aide de camp de l’Empereur, et plusieurs chambellans avec lesquels j’ai des relations. Il y avait aussi le grand-maître du roi et des princes de Saxe. Le diner achevé, je suis introduit. L’Empereur me parle d’abord des manœuvres dont il est enchanté, puis :

— Je sais le motif de votre venue, me dit-il, car j’ai vu M. de Caraffa. Hier au soir, m’est arrivé un courrier de Vienne envoyé par Metternich pour me remettre des dépêches de Lebzetltern [1] qui a tout fait pour empêcher le départ de M. de la Ferronnays. On voulait que celui-ci vînt auprès de moi sans voir le Roi ; or mon premier soin aurait été de l’adresser immédiatement à Charles X, dont la volonté dans toute cette affaire deviendra la mienne. Il décidera comme il l’entend. J’ai envoyé à Seldnistsky [2] ordre de laisser entrer la Duchesse de Berry

  1. Ambassadeur d’Autriche à Naples.
  2. Ministre de la police en Autriche.