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Buchtirad, 6 août.

Le prince de Metternich vient d’écrire au duc de Blacas. Comme moi, il a reçu le rapport de M. de Caraffa qui toutefois lui ajoute le paragraphe suivant :

«... En me chargeant de cette communication pour Votre Altesse, le prince de Cassaro [1] m’ordonne, de la part du roi de Naples, de solliciter la puissante intervention de Sa Majesté l’Empereur auprès du roi Charles X, en faveur de la malheureuse Duchesse de Berry. D’ailleurs, le Roi, mon maître, va s’adresser directement à lui pour obtenir tout ce qui pourra adoucir la position de la princesse. »

Je me suis entretenu de cette demande avec Charles X. Il croyait d’abord qu’il s’agissait de fournir à Madame des moyens pécuniaires et, malgré l’exiguïté de ses ressources, il se montrait prêt à secourir la mère du Duc de Bordeaux. Je lui fis alors remarquer que, vu sa position comparée à celle du roi de Naples, il était impossible que Madame et son frère eussent la pensée de demander de l’argent. Ce qu’elle désirait sans doute, c’était la conservation de ses titres et de son rang. La chose paraissait d’autant plus plausible que, d’après nos dernières nouvelles communiquées par la princesse de Beauffremont, Madame est traitée par la Cour de Naples comme Duchesse de Berry. Elle en porte le nom. M. de Lucchesi est auprès d’elle à l’instar d’un grand maître et non d’un mari. Elle croit pouvoir assimiler sa situation à celle de Marie-Louise, qui est restée archiduchesse et duchesse de Parme, quoiqu’elle eût épousé le comte Neipperg. La question n’est point la même. L’union de Madame a été proclamée publiquement par elle, son enfant a été enregistré aux yeux de chacun comme issu d’un mariage avec le comte Lucchesi Palli. Toutes ces manifestations tellement ostensibles lui permettent-elles maintenant d’envelopper ses nouveaux liens dans un secret qui l’autoriserait à conserver son titre et son rang ? Charles X m’a répété qu’il ferait tout ce qui dépendrait de lui pour la mère de ses petits-enfants, mais il ne pouvait la recevoir actuellement sans de très graves inconvénients pour les siens. Il voulait s’en remettre au temps pour effacer de trop funestes impressions. Quoi qu’il en soit, la

  1. Ministre des Affaires étrangères du roi des Deux-Siciles.