Page:Revue des Deux Mondes - 1923 - tome 14.djvu/833

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

les intérêts mesquins qui entourent parfois Charles X, m’affligent. Évidemment, pareilles choses sont humaines, et on doit leur être indulgent, mais ne faudrait-il pas montrer d’autant plus de dévouement, de renoncement, qu’on se trouve auprès d’un Roi proscrit ? Quand je me trouvais à Prague, j’étais étranger aux diverses coteries et leur spectacle m’attristait.


Vienne, II juin.

Le prince de Metternich m’a montré un rapport du comte Apponyi, ambassadeur D’Autriche à Paris, relatif à Mme la Duchesse de Berry. Il m’a également communiqué les dépêches du comte Lebzeltern, représentant de l’Autriche à Naples. J’ai pris copie de ces diverses pièces, entre autres d’une lettre de la Duchesse de Berry à son frère le roi de Naples ; le texte en était communiqué par le comte Lebzeltern au prince de Metternich.

Voici, exactement reproduite, la teneur de cette lettre qui ne porte pas de date :


« Mon très cher frère.

J’ai été bien peinée de ne pouvoir vous donner de mes nouvelles depuis si longtemps. Ayant acquis la triste certitude que plusieurs lettres à mes chers enfants et à Madame la Dauphine, avaient été arrêtées par le Gouvernement, quoiqu’il n’y fut presque question que de ma santé et fort peu de toutes les souffrances morales qui ne m’ont pas été épargnées, je profite d’une occasion unique qui se présente pour vous ouvrir mon cœur et vous faire une confidence que mon devoir pour mon fils me faisait un devoir de taire jusqu’à sa majorité.

« Je voulais tout pouvoir tenter pour lui, courir tous les dangers, et si je ne suis pas assez heureuse pour avoir réussi à faire le bonheur de la France, en lui ramenant son Roi légitime, j’ai du moins la consolation de n’avoir pas démenti le sang qui coule dans mes veines. C’est M. de Lucchesi qui vous remettra cette lettre. Déjà, il avait des droits à votre reconnaissance par les services qu’il a pu vous rendre, ainsi qu’à votre Gouvernement. J’espère que vous lui accorderez toute votre amitié, quand vous saurez les liens qui m’unissent à lui et qu’en me consacrant sa vie, il contribuera à mon bonheur. C’est vers la fin de janvier de l’année dernière que j’ai contracté avec lui un mariage secret. Nous nous sommes retrouvés dans le courant de