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de fidélité, mais, à ce point de vue, il adopte les théories du libéralisme. On ne veut point distinguer la religion sage et éclairée des pratiques minutieuses d’une dévotion mal entendue. On ne comprend point que la religion est le lien nécessaire unissant les peuples et les rois dans l’accomplissement de leurs mutuels devoirs, que c’est son affaiblissement et non son exagération qui a produit les révolutions dont nous avons été et dont nous sommes les victimes. Napoléon, dans la force de son intelligence, n’a-t-il pas courbé les fronts devant les autels ?

Influencé par des observations mal fondées, l’auteur du Génie du Christianisme demanda pourquoi on occupait M. le Duc de Bordeaux de pratiques, pourquoi il assistait à des processions. On lui répondit que celle du Jubilé était la seule à laquelle le prince se fût trouvé, il avait fait à cet égard ce que faisaient l’Empereur et les archiducs dans un pays où la population serait choquée, si les princes ne montraient pas leur respect pour la religion. Le Duc de Bordeaux, ajoutait-on, assistait une seule fois la semaine à la messe, le dimanche.

Ces idées fausses se sont inculquées d’une façon étonnante dans certaines imaginations. Lorsqu’il n’y eut plus de doute sur la désolante situation de Mme la Duchesse de Berry, lorsque l’arrivée de M. de Chateaubriand vint convaincre d’opiniâtres incrédulités, le duc de P... s’écria :

— Tant mieux ! Voilà qui va ajouter à la popularité de Madame. On ne pourra pas l’accuser d’être bigote comme le reste de sa famille.

Les princes doivent réformer les peuples par leur exemple. Malheur à leur couronne si l’irréligion était une condition de leur gouvernement. Ils seraient vite jetés bas, ou, s’ils restaient sur leur trône, ce serait au milieu des passions déchaînées, des convoitises sans frein, des désespoirs toujours prêts à l’émeute, à l’assassinat.

M. le Dauphin ne voulait pas recevoir M. de Chateaubriand en particulier. Il y consentit toutefois, mais il se borna à lui parler de choses générales. Ils furent mutuellement peu satisfaits l’un de l’autre.

Madame la Dauphine se trouvait alors à Carlsbad. Cette absence chagrinait M. de Chateaubriand ; il redoutait cependant la sévérité de cette infortunée princesse qui tient fortement à la vérité et se laisse peu influencer par le brillant de l’imagination.