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d’elle, c’est alors seulement qu’elle pourra demander à revoir ses enfants dont elle a tellement oublié la position. Du reste, elle n’est pas libre et je ne dois pas la condamner entièrement tant qu’elle se trouve en prison.

M. de Chateaubriand reconnut la sagesse et la vérité de ces paroles. Il s’informa pour savoir si le Roi avait un Conseil auquel il pourrait soumettre les plans qu’il avait préparés dans le dessein d’amener une Restauration.

— Adressez-vous à M. de Blacas, lui répondit Charles X, il a toute ma confiance.

Effectivement, M. de Chateaubriand se rendit auprès du duc et malgré le peu d’accord qui semble devoir exister entre deux personnages de caractères et de vues si opposés, il s’établit entre eux une sorte de conférence. Le vicomte annonça un rapport au Roi sur la situation de la France et sur les moyens d’en tirer avantage. M. de Blacas lui communiqua les résolutions de Charles X et les travaux que nous avions rédigés. M. de Chateaubriand écouta avec beaucoup d’attention, puis déchira les papiers qu’il tenait, en disant :

— Vous avez si bien fait que tout ce que j’ai à vous proposer actuellement est inutile.

Pendant son séjour à Prague, M. de Chateaubriand fut simple. Il se montra fort touché de la résignation du Roi et du grand sens de tout ce que le souverain lui dit. On remarqua surtout, — et je m’empresse de le noter avec joie, — l’aveu qu’il fit à plusieurs reprises que, pendant la Restauration, la France avait eu un seul ministre : Villèle. On trouva M. de Chateaubriand fort vieilli, fort changé, ses cheveux entièrement blanchis, son front soucieux, son ardeur très refroidie, sa conversation intéressante, mais peu active. On fut généralement satisfait de ses manières, excepté au moment où il fut reçu par le Duc de Bordeaux. En cet instant, le prince avait auprès de lui plusieurs personnes, parmi lesquelles M. et Mme de Cossé.

Tout à coup entre M. de Chateaubriand, il se précipite à genoux devant l’enfant et s’écrie :

— Vous êtes mon Roi ! C’est de vous que je viens prendre les ordres, de vous seul que je dois les recevoir !