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homme. » Il se mit à l’affût d’une constatation qui aurait amené le déshonneur de la Duchesse de Berry et comblé d’aise le Gouvernement qui la détenait.

Enfin, débordant de joie, il put mander au ministère : « J’ai trois cents livres de moins sur le cœur ! Je suis heureux ! Le but est atteint ! L’honneur du Roi et du pays est sauvé ! Tout favorise le trône de Juillet ! »

S’il exultait ainsi, c’est qu’il avait reçu de la Duchesse de Berry la lettre suivante :

« Général, pressée par les circonstances et par les mesures ordonnées par le Gouvernement, quoique j’eusse les motifs les plus graves pour tenir mon mariage secret, je crois devoir à moi-même ainsi qu’à mes enfants de déclarer m’être mariée secrètement pendant mon séjour en Italie. »

Le 10 mai 1833, la Duchesse donnait le jour à une fille qu’elle déclarait issue de son union légitime avec le comte Hector Lucchesi Palli.

Charles X, le Duc et la Duchesse d’Angoulême, le Duc de Bordeaux et Mademoiselle avaient quitté l’Ecosse pour s’établir à Prague où l’empereur d’Autriche leur donnait pour demeure le palais du Hradschin. Ce fut pour le vieux Roi exilé un coup bien cruel quand il apprit les événements de Blaye et les révélations de sa belle-fille la Duchesse de Berry. Quelle attitude allait-il avoir à son égard ? Elle était tutrice du Duc de Bordeaux et de Mademoiselle, les deux enfants qu’elle avait eus du Duc de Berry. En outre par l’abdication de Charles X et du Duc d’Angoulême, les droits au trône de France étaient passés au jeune Duc de Bordeaux et, de ce fait, si une nouvelle restauration se produisait, sa mère devenait régente du royaume. Cette régence, cette tutelle pouvaient-elles être compatibles avec le mariage secret que venait de contracter la princesse ? Elle manifestait l’intention de venir à Prague. Avant de l’y accueillir, Charles X ne devait-il pas exiger qu’elle lui communiquât l’acte authentique établissant son union avec le comte Lucchesi Palli ?

Pour ces diverses questions qui soulevèrent de pénibles incidents, le comte de Montbel servit d’intermédiaire entre Charles X et la Duchesse de Berry. Les pages qui vont suivre, extraites de son Journal inédit, relatent les péripéties curieuses, les heurts douloureux que provoqua toute cette affaire.

GUY DE MONTBEL.