Page:Revue des Deux Mondes - 1923 - tome 14.djvu/823

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

groupent autour d’elle. Tout un parti actif, le parti jeune France, se forme. Il a, comme la Duchesse de Berry, le goût de la lutte et de la hardiesse, et n’est-ce pas une entreprise joliment chevaleresque que de combattre pour cette jeune veuve et pour son fils ? On trouve qu’à Holy-Rood règne une prudence trop timorée et l’on tourne ses espoirs vers Massa où souffle un belliqueux esprit d’initiative. On galvanise l’intrépidité de la Duchesse par d’éloquents rapports sur « l’état des choses » dans le Midi et en Vendée. Elle n’aurait qu’à y paraître pour soulever les régions contre l’usurpateur Louis-Philippe. On la presse de venir, ses troupes sont prêtes, ce sera une marche triomphale, le roi des Français sera jeté bas, et le roi de France montera sur le pavois.

Mon grand père, le comte de Montbel, dernier ministre des Finances de Charles X, était à Vienne. Il entretenait une correspondance active avec la Duchesse de Berry, qui lui témoignait grande confiance, pas au point toutefois de prêter une oreille fort attentive aux conseils de prudence qu’il lui prodiguait. Prêcheur de modération, il se savait peu écouté ; aussi ses craintes furent-elles plus vives que sa surprise quand il reçut de la Duchesse le billet suivant daté du 23 avril 1832 :

« Je viens seulement de recevoir, mon cher comte, votre rapport du 24 mars que j’ai trouvé et lu avec le plus grand plaisir. Croyez que j’apprécie bien le zèle dont vous ne cessez de me donner des preuves. Je regrette de ne pouvoir aujourd’hui vous écrire que quelques lignes. Quand vous les recevrez, notre sort sera décidé. Je pars demain, appelée par les royalistes de l’Ouest et du Midi. J’espère que Dieu bénira mes efforts et protégera la cause de mon fils. J’ai écrit à l’Empereur pour l’instruire de ma résolution. Je m’en rapporte à vous sur ce qu’il y aura à faire dans cette circonstance, si j’obtiens quelque succès. Peut-être cette nouvelle décidera-t-elle la Cour de Vienne à retirer son ambassadeur.

« MARIE-CAROLINE. »


C’est le 25 avril 1832 que la Duchesse de Berry s’embarque en un point désert de la côte sarde. Elle aborde le 28 avril tout à côté de Marseille, qui, suivant un vaste plan d’insurrection, devait se soulever le lendemain. Or, Marseille ne bougea point, l’échec fut complet. Ses fidèles adjurent la princesse de retourner en Italie. Elle n’y veut point consentir. Bravant tous les risques,