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village du comté de Cavan, brûlent cinq à six maisons et tuent deux civils : opération tout à fait dans le goût des Black and Tans d’autrefois. N’est-ce pas le cas de dire : « Liberté, que de crimes on commet en ton nom ! »

Difficile est la lutte contre cette guérilla : les Anglais s’en sont aperçu naguère. Ils avaient à la vérité contre eux en ce temps-là toute la masse du pays, laquelle semble bien être aujourd’hui pour l’ordre et la paix. Mais tout hostile qu’elle soit aux irréductibles, elle ne réagit pas devant leurs excès ; terrorisée, elle laisse faire. Les rebelles trouvent bien des complicités, patentes ou cachées, dans la population : c’est un fait caractéristique à cet égard que la municipalité de Dublin paie demi-traitement à tous ceux de ses employés qui, ayant combattu avec les républicains, ont été pris et internés par l’autorité régulière. Celle-ci n’est d’ailleurs pas toujours bien inspirée dans son action politique ; souvent arbitraire et maladroite, elle déconcerte ou mécontente parfois ses plus chauds partisans. Elle n’a comme troupes fidèles qu’à peine la moitié du nombre des soldats qu’entretenait, il y a deux ans, le Gouvernement britannique en Irlande : troupes mal instruites, peu disciplinées, insuffisamment encadrées, que les chefs n’ont pas toujours en mains et qui, hommes ou officiers, font parfois montre d’une fâcheuse complaisance à l’égard des républicains ; certain jour il a fallu passer par les armes quatre hommes qui, après avoir passé aux rebelles, avaient été repris par les réguliers. N’est-il pas étrange qu’au cours des nombreux attentats commis par les républicains à Dublin, les coupables ne soient presque jamais pris, ou bien qu’en janvier dernier, les républicains aient pu incendier la gare de Sligo sans être inquiétés, alors qu’il y avait cinq cents hommes des forces gouvernementales dans la ville ? Quoiqu’il en soit, le Gouvernement est parvenu à faire prisonniers un bon nombre de rebelles, qu’il détient jusqu’à nouvel ordre dans des prisons, des camps, des bateaux. Par deux fois il a offert une amnistie aux combattants républicains, à la condition que ceux-ci renoncent à la lutte, rendent leurs armes et restituent les biens volés par eux : le résultat ne s’est guère montré satisfaisant. En octobre, il a créé, d’accord avec la Dail, des tribunaux militaires qui jugent sommairement et peuvent condamner à la peine de mort non seulement les rebelles coupables de crimes, mais encore ceux qui auraient été trouvés en