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bien à bout, qu’avec l’aide des extrémistes du Sud, les catholiques du Nord finissent par riposter, ce dont on prend avec indignation l’Angleterre à témoin. De même sur les frontières qui séparent les six comtés de l’État Libre : on « travaille » savamment la population, on exploite habilement les incursions et les violences des Sinn Feiners, et voilà la petite guerre qui va servir à appeler l’Angleterre au secours. L’Ulster orangiste se pose en victime et, par ce système de provocations continues, compte secouer l’apathie anglaise, forcer l’Angleterre à intervenir, à rompre le traité, à recommencer la conquête de l’Irlande : c’est le jeu qu’ont joué avec succès Fitzgibbon et Pitt de 1798 à 1800. Mais ce jeu n’a guère de chances de réussir cette fois. Le Gouvernement de Londres n’a aucune envie de reprendre la guerre en Erin, et devant l’opinion britannique l’orangisme ulstérien, même soutenu par les Die Hards, a définitivement perdu sa cause : l’Angleterre est bien trop contente d’en avoir pour le moment fini avec la question d’Irlande. Elle pense un peu comme Lord Palmerston à qui l’on demandait un jour que faire à l’égard de l’Ile sœur et qui répondait : Can’t you leave it alone ? « Ne pouvez-vous pas lui laisser la paix ? » Mais en revanche elle entend qu’on lui laisse, à elle aussi, la paix avec les affaires d’Erin : que les Irlandais se débrouillent entre eux et avec leur traité !


III

Ce traité du 6 décembre, la principale intéressée, l’Irlande nationale, l’a accueilli d’abord avec surprise et allégresse. Mais