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la fréquentation de l’école pour le plus grand nombre des Péruviens. Comment l’exiger quand la densité descend à deux habitants au kilomètre carré ? C’est au régiment que l’Indien apprendra l’espagnol, qu’il prendra conscience de cette magnifique unité de la Patrie. Il faut donc que l’officier connaisse le quetchua pour enseigner le castillan, il faut qu’il se donne de tout cœur à cette grande œuvre. Le Pérou possède en Amazonie un domaine colonial immense, d’une extrême richesse, dont un réseau fluvial magnifique permet la mise en valeur ; l’armée aussi collaborera à cette tâche en reconnaissant ces régions, en y traçant les routes nécessaires, en prenant contact avec des tribus encore sauvages, qu’il faut comprendre et aimer pour pouvoir les apprivoiser et les élever vers la civilisation. L’armée accroîtra ainsi la richesse et la puissance du pays. Mais que ces tâches civiques ne l’entraînent jamais sur les pentes glissantes de la politique ! Elle y trouverait sa perte. Sans doute, il arrive que les troupes, régulièrement requises par les autorités civiles, doivent intervenir pour assurer le respect de la loi, et d’ordinaire le déploiement de la force disciplinée et sûre d’elle-même suffit pour maintenir l’ordre ; mais là se borne la tâche de l’armée dans les discordes civiles et elle doit toujours rester en dehors des partis, — j’oserai dire au-dessus des partis.

L’attitude de mes auditeurs, les conversations qui ont suivi m’ont montré que j’avais été parfaitement compris.

Le lendemain, après des adieux émus à Aréquipa et à Mollendo, nous nous rembarquons sur le « Jules Michelet » qui, pendant notre voyage en Bolivie et à Cuzco, avait exécuté des manœuvres et des tirs dans la rade d’Ilo, où les populations firent le meilleur accueil à l’état-major et à l’équipage. Nous appareillons à quatre heures. Je me sépare avec peine des officiers péruviens attachés à l’ambassade, le colonel Ponce, les les commandants Zarate et Heredia. Leur dévoué concours m’a été très précieux pendant ces six semaines que je viens de passer dans leur magnifique pays.

Car ce pays est vraiment magnifique par les splendeurs de ses beautés naturelles, par les richesses latentes de son sol et par les souvenirs de sa longue histoire. Sans doute, un voyage aussi rapide ne permet pas de porter des jugements décisifs et j’emporte surtout des visions fragmentaires, sorte de clichés photographiques pris en hâte. Mais il est bien difficile au voyageur