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se rehaussait par la prodigalité des métaux précieux ; mais on cherche vainement l’expression d’un sens artistique, l’élégance des formes générales ou des détails dans l’ornementation. On n’admire pas, on est saisi par l’évocation de l’effort colossal et continu.

Il est impossible de concevoir par quel procédé le peuple des Incas arrivait à mettre en place des blocs de plusieurs centaines de tonnes.

Tout près de la citadelle, sur une élévation naturelle, les rochers ont été taillés en sièges et en gradins disposés en amphithéâtre ; on suppose que l’Inca et sa cour venaient s’asseoir ici pour assister aux exercices militaires, au déploiement des pompes religieuses et aux jeux populaires. Un autre rocher en pente a été poli en glissoir — le Rodadero.

Dans l’après-midi, nous visitons la ville. J’ai déjà parlé du temple du Soleil qui est le monument le plus extraordinaire de la capitale. La cathédrale est assez curieuse, surtout par les portraits que renferme la sacristie ; le plus frappant est celui de Valverde, le chapelain de Pizarre, qui fut le metteur en scène du guet-apens où fut capturé Atahualpa. Il faut voir surtout l’église de la Compagnie, — la compagnie de Jésus bien entendu, — dont les sculptures sont vraiment intéressantes, et la chaire de l’église Saint-Blaise. Le recteur de l’Université, Américain du Nord, est un érudit intelligent et spirituel ; il nous conduit dans son établissement, et, comme nous traversons la grande place historique, je crois pouvoir me permettre de déplorer devant lui qu’elle soit déshonorée par un énorme et affreux zinc d’art qui représente un guerrier Sioux ou Huron, sauvage dont l’inesthétique présence est particulièrement déplacée ici. Il m’approuve, mais ajoute : « Je suis d’autant plus désolé de voir cette horreur que c’est un cadeau de mes concitoyens du Nord. » Dans la grande salle, les professeurs et les étudiants m’accueillent chaleureusement. Après un échange de discours, un Indien en costume inca nous déclame avec beaucoup de feu des vers qu’il a composés en Quetchua : c’est tout à fait une nouveauté.

Le jour de notre arrivée, nous fûmes reçus à dîner par le préfet : aujourd’hui, nous déjeunons chez notre hôte au Palais de l’Amiral, l’aimable M. La Torre ; ce soir, ce sont les officiers de la garnison qui nous invitent à diner à l’hôtel, avec tous les personnages