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trois arcades surmontée d’un étage que couvre un auvent de tuiles. Le couvent de Saint-Dominique est dans le temple même, et il utilise les anciens murs où l’on voit encore la trace des crampons qui soutenaient une armature d’or et d’argent.

Cette construction apparaît comme le symbole des trois civilisations qui ont dominé la contrée.

Toute la ville moderne est bâtie sur les ruines incaïques, et l’on retrouve le plan de l’ancienne capitale, avec sa muraille extérieure de plusieurs kilomètres, ses rues étroites, qui se coupaient à angle droit, et sa place centrale, d’où partaient les quatre voies principales de l’Empire. Les murs sont formidables ; leurs pierres montrent une surface polygonale irrégulière de quatre à douze côtés ; les plus grandes, 6 à 8 mètres dans chaque dimension, ont des saillants où s’emboîtent leurs voisines ; toutes les surfaces intérieures sont parfaitement planes et jointives, à tel point qu’une lame de couteau ne peut s’introduire entre elles ; l’ensemble tient par la masse comme dans les constructions cyclopéennes, mais aussi par l’adhérence.

Du peuple qui éleva ces monuments, nous savons tout ce qu’en virent et comprirent les conquérants espagnols, rien de moins, mais rien de plus. Car les investigations modernes ne nous ont guère apporté d’éclaircissements nouveaux. Beaucoup d’entre eux ont écrit, et parmi eux d’honnêtes légistes, de saints prêtres, se sont indignés du traitement infligé aux Indiens, et leur voix s’est élevée jusqu’au pied du trône ; ils ont obtenu des ordonnances royales dont les intentions étaient pleines d’humanité, des ordres réitérés pour faire cesser les abus ; très souvent les vice-rois et les hauts dignitaires de Lima ont essayé de suivre ces directions : mais jamais ces instructions n’ont été appliquées. Les écrits de ces premiers conquérants témoignent d’une grande admiration pour les vaincus, qu’ils cherchent à comprendre, et c’est là une mine de précieux documents à consulter. Grâce à eux, nous connaissons les traditions qui, en l’absence de toute écriture, se transmettaient de génération en génération, les croyances, les institutions, l’état matériel et moral des populations.

Sur la dernière dynastie Inca, venue avec Manco Capac des bords du lac Titicaca, nous sommes très renseignés, mais nous ne savons rien de celles qui l’ont précédée, et bien peu de choses sur la civilisation de Tihuanaco.