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de constater cette survivance de la vie municipale, transplantée d’Espagne dans le Nouveau Monde, et de la voir s’exercer dans un sens national. Sicuani est dominé par une chaîne de six ou sept petits cratères où des traînées de lave, toutes noires, paraissent le résultat d’éruptions récentes.

Après Sicuani, la vallée s’élargit, les cultures s’étendent, les centres habités se multiplient. Nous brûlons presque toutes les stations, mais à hauteur d’Urcos il faut nous arrêter, la foule des Indiens se presse ; après les compliments de l’alcade, l’instituteur, avec quelques précautions oratoires, m’interroge en français sur la bataille de Verdun et m’étonne par la précision de ses questions : je voudrais que tous les nôtres fussent aussi bien instruits des événements et les eussent aussi bien compris. La station est au pied d’une colline qui la sépare du lac où les Indiens ont jeté, dit-on, la lourde chaîne d’or qui entourait la place centrale de Cuzco afin de la dérober à la rapacité des conquérants.

Enfin, à 3 heures, nous arrivons à Cuzco, sans avoir rien vu de la ville ; la foule se presse, très enthousiaste ; beaucoup d’indiens en poncho ; leur présence donne à cet accueil une note nouvelle. Les autorités nous conduisent dans le vieil Hôtel de Ville, à la Préfecture, puis à la Commendencia, siège du commandant militaire. Du balcon, nous assistons au défilé des troupes, un régiment d’infanterie, un régiment d’artillerie, une compagnie de mitrailleuses.

Puis je visite des casernements de la troupe, dispersés ; ces allées et venues me font prendre contact avec cette ville étonnante, unique au monde.

Nous sommes dans un des lieux les plus anciennement habités, où l’on retrouve le squelette de l’homme tertiaire, puis des débris qui paraissent antérieurs à la civilisation de Tihuanaco. La seconde période de Tihuanaco est représentée par des édifices importants ; une grande tour s’élève dans le temple du Soleil, et ses assises d’une douzaine de mètres, arrondies, forment une surface conique parfaitement lisse, qui a exigé une taille spéciale pour chaque pierre qui se joint étroitement avec ses voisines. Sur cette base s’élève la construction de l’époque incaïque, du style de la pierre enchâssée, de surface assez irrégulière, et dont les joints seuls sont lisses. Enfin, le cloître espagnol de Saint-Dominique domine le tout avec une colonnade de