Page:Revue des Deux Mondes - 1923 - tome 14.djvu/733

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


AU PÉROU


26-29 août.

Notre train part à dix heures du soir, par une nuit assez noire ; le soleil en se levant nous montre les hautes montagnes que la ligne escalade pour s’élever jusqu’au col de la Raya, à 4 430 mètres. Nous quittons alors le bassin intérieur du lac Titicaca pour longer un affluent de l’Amazone. Le col est un large dos d’âne où passait la grande route des Incas, dont il ne reste trace que dans les bas-fonds marécageux, sous forme de chaussée magnifique ; il montre la Sierra de Vilcanota, où s’unissent les deux Cordillères à 6 000 mètres de hauteur, pour se séparer ensuite autour du bassin intérieur du grand lac ; le charme de ces montagnes inexplorées, la vue de ces glaciers et les eaux thermales du voisinage devraient attirer ici nombre de touristes, d’alpinistes et de malades.

Le Vilcanota est le pendant du Cerro de Pasco, que nous avons approché la semaine précédente, et entre les deux s’étend la Sierra, le vrai pays des Incas, qui jouit d’un climat tempéré et constitue en somme la région la plus peuplée du Pérou. La vallée que nous suivons est en effet cultivée et les villages se multiplient ; quelques maisons couvertes de chaume, les plus nombreuses de teinte rouge. Des arbres fruitiers font leur apparition, et même des eucalyptus, apportés d’Australie ; mais nulle part une essence indigène : les forêts, s’il y en a, ont été détruites depuis longtemps.

A Sicuani, vers 9 heures du matin, nous voici dans une petite ville de 5 000 habitants, dont les autorités nous attendent et nous conduisent à l’Hôtel de Ville, où une belle réception nous a été préparée. Le colonel Ernesto Montagne, jeune d’âge et d’allure, qui a fait ses études militaires à Saint-Cyr, me présente son régiment ; la tenue est moins soignée ici que sur la côte, et il y aurait avantage à la simplifier pour les troupes de montagne qui seraient plus alertes en sandales, culotte et bandes molletières. Mais l’instruction paraît bonne. La Municipalité très patriote avait voté d’initiative un crédit pour l’achat d’un avion ; l’heure de l’aviation n’a pas encore sonné ici, et elle fournit maintenant un terrain et des matériaux pour la construction des casernements par la main-d’œuvre militaire : c’est une des tâches que remplit fort bien le colonel. Il est intéressant