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musée de La Paz, les étudie depuis vingt ans, et c’est lui qui va nous les présenter. Tout d’abord, il nous conduit devant un édifice de 135 mètres de long sur 118 de large, nettement orienté Est-Ouest ; c’est le palais ou temple de Kalasasaya, dont la construction indique, parmi les populations qui l’ont édifié, des connaissances étendues en architecture, et qui seraient tout à fait surprenantes en astronomie, ajoute M. Poznansky.

L’observateur placé au milieu du côté Ouest voit le soleil se lever dans l’angle droit le 22 décembre, et dans l’angle gauche le 21 juin ; le 23 septembre et le 21 mars, l’astre apparaît droit devant lui, au centre d’un colossal escalier dont chaque marche est faite d’une seule pierre. Sur cette façade, des monolithes s’élèvent, alignés Nord-Sud, et le soleil levant, en projetant leur ombre dans l’édifice, y déterminait les dates de l’année religieuse, astronomique et agricole. Nous sommes dans le temple du Soleil, gigantesque almanach qui est au cadran solaire comme l’année est à l’heure.

Tout près de l’édifice s’élève la Porte du Soleil, ouverture de proportions normales, mais taillée dans un monolithe de 3m,50 de haut sur 5 mètres de large. C’était évidemment l’accès d’un sanctuaire aujourd’hui disparu, et qui faisait partie du temple. Dans le trachyte foncé, d’une extrême dureté, de fines ciselures encore intactes, ont placé au centre un personnage qui paraît représenter le Soleil, et domine une frise où l’on imagine indiqués les douze mois de l’année. De chaque côté du motif central, des cartouches figurent les jours du mois ou bien les membres d’une famille nombreuse. La figure humaine et les têtes d’animaux, — condor, puma, lama, poisson, — sont curieusement stylisées ; la frise est le plus bel exemple de l’emblème mystérieux de Tihuanaco, le signe en escalier, signo escalonado, où l’on suppose synthétisés la Terre, le Ciel, et le Monde souterrain, que ses fréquentes manifestations rappellent à la vénération des hommes. Mais la rareté des documents ne permet pas de trouver la clé de ce symbolisme obscur.

M. Poznansky suppose que le rapport entre la longueur et la largeur du temple a été calculé de telle sorte qu’il correspondait à l’angle maximum de la déclinaison solaire entre les deux solstices : du milieu du côté Ouest, on voit le côté Est sous l’angle de 47° 14′ 17″, dont la moitié, soit 23° 37′ 8.5″, représentait l’obliquité de l’écliptique à l’époque où le temple fut construit, et