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Rossbach, agitateur nationaliste, fondateur d’une association militaire, et six autres meneurs. Le ministre prussien de l’Intérieur, M. Severing, a procédé à la dissolution du parti allemand-arien ; il défère ses chefs, et parmi eux trois députés au Reichstag, à la Cour suprême de Leipzig pour entretien d’organisations militaires. Un complot militaire a été ourdi en Bavière, par les ultra-nationalistes de von Graefe alliés aux socialistes-nationaux de Hitler, pour purger d’abord le pays du marxisme et des Juifs et se tourner ensuite contre l’ennemi extérieur ; les ramifications du complot s’étendent en Thuringe et jusqu’à Berlin. Il s’agissait d’assurer le pouvoir aux nationalistes et peut-être de restaurer en Bavière la monarchie des Wittelsbach que l’on pousserait ensuite au trône impérial. À la diète prussienne, le 23 mars, M. Severing, interpellé par les socialistes sur l’action des organisations d’auto-protection, a fait de graves révélations : « Quand on a dit que ces organisations d’auto-protection pourraient être le réservoir d’où devait sortir la guerre civile, on a dit une chose exacte à mon avis. Il est certain que si elles continuent à agir comme maintenant, et si des bataillons leur sont opposés comme maintenant, on peut calculer mathématiquement que la guerre civile éclatera. J’ai le sentiment que nous ne sommes pas très éloignés de ce moment-là... J’étais en droit de soupçonner que certains chefs de ces organisations secrètes étaient d’anciens officiers... Le ministre de la Reichswehr estime comme moi qu’il n’y a plus de place pour ces officiers dans l’armée. Les gens dangereux dans tout ceci ce sont Rossbach, Ludendorff et Hitler. »

C’est un étrange personnage que cet Hitler : il se donne pour le Mussolini de la Bavière, mais il n’en est que la caricature ; le mouvement dont il est l’organisateur est à la fois xénophobe, antisémite, nationaliste, socialiste et mystique ; il rappelle par certains traits les grandes révoltes de la démagogie paysanne écloses au temps de Luther dans cette même Souabe à la voix d’un Carlstadt ou d’un Münzer. Hitler est centraliste, tandis que le Centre bavarois est fédéraliste. Il rêverait aussi de créer en Bavière une église nationale chrétienne, démocratique, séparée de l’État aussi bien que de Rome : « Le christianisme, dit une brochure nationale-socialiste, doit être transformé ; il doit devenir un sentiment allemand... Tout homme et tout peuple sent en définitive la divinité selon sa propre nature. Nous avons donc tout à fait le droit de parler d’un dieu allemand. » Le mouvement dirigé par Ludendorff, et qui a longtemps reçu les subsides de la grande industrie bavaroise, vise aujourd’hui à établir