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la République rhénane ; au contraire du Dr Dorten et de ses amis qui réclament l’autonomie de la Rhénanie dans le cadre du Reich et qui ont des accointances avec les hommes du Centre, M. Smeets affirme son dessein de séparer son pays rhénan de l’Allemagne et d’en faire une république indépendante. Il affirme que ses partisans sont un million et demi ; ce qui est certain, c’est qu’il est entouré d’amis dévoués, de lieutenants fidèles jusqu’à la mort et que, s’il ne survit pas à la terrible blessure qui a entamé la matière cérébrale, ou s’il ne survit que physiquement diminué, il trouvera des successeurs et des vengeurs. Il disait récemment à M. Charles Bonnefon, de l’Echo de Paris : « Je vais être tué demain ou après-demain. Que ma mort, du moins, serve de leçon à votre Gouvernement ; et que vos hommes d’État apprennent qu’il ne faut pas traiter un Prussien de la même façon qu’un Français. » Profitable leçon, qu’il faudra retenir.

L’assassinat de M. Smeets et de M. Kaiser par les nationalistes allemands prouve la réalité et l’importance du mouvement rhénan. Il convient d’en rapprocher le cambriolage, quelques jours auparavant, à Coblentz, des bureaux du Rheinischer Herold, le journal du Dr Dorten. Si le Gouvernement de Berlin n’était pas convaincu que la majorité de la population indigène rhénane souhaite d’être débarrassée des fonctionnaires et des soldats prussiens, il suivrait actuellement une autre politique. Il ne crierait pas si haut et si souvent, contre toute vraisemblance et toute vérité, que la France est résolue à annexer les pays rhénans, s’il ne cherchait pas à alarmer ces populations qui ne veulent pas plus de la domination française que de l’oppression prussienne et s’il n’espérait pas éveiller les susceptibilités de l’opinion publique anglaise. Comme le remarque justement le Temps, « on a le droit d’être Allemand et de ne pas vouloir être administré par la Prusse : les Wurtembergeois et les Badois, les Bavarois et les Saxons font usage de ce droit. » Non seulement les Rhénans n’y ont pas renoncé pour leur part, mais leurs représentants ont prjs soin de le faire inscrire dans la Constitution de Weimar. Qu’il plaise aux gens de Berlin de prêter aux Français des projets annexionnistes qu’ils n’ont jamais eus, ce n’est pas une raison pour que toute une partie de la population allemande soit privée de ses droits et traitée en race inférieure et vaincue. Au surplus, c’est là une question de politique intérieure allemande ; mais elle se trouve étroitement liée au problème international de la sécurité de la France. Que la question soit mûre, c’est ce que prouve l’opinion, répandue de plus en plus en Angleterre, que les provinces du Rhin