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noyer dans la symphonie, ou polyphonie, (le second terme est plus à la mode), elle les pose à la surface, afin qu’elles s’y jouent. Elle les y laisse flotter et plus souvent courir, car elle est rapide, cette musique, elle est légère. Nulle ne ressemble moins à telle ou telle autre, où l’on dirait volontiers, — on l’a déjà dit, — que la cuiller tient debout. Mais de cette rapidité même il faut maintenant se plaindre. Elle passe, la musique du Hulla, elle passe sans cesse et ne fait guère que passer. Elle est toute en épisodes, en menus détails, non pas en façade, mais en facettes. Jamais ou presque jamais elle ne se développe, ne s’épanche. Elle a de la vivacité, de l’agrément, voire de l’esprit. Le lyrisme est ce qui lui manque le plus. J’entends bien, — ou plutôt, j’ai pris plaisir à l’entendre, — il y a le duo d’amour. La péroraison surtout en est belle ; orchestre et voix s’y embrassent avec chaleur et d’un embrassement qui dure. Mais le reste n’est guère fait que de petits morceaux. Le sujet, dira-t-on, ne comportait, ne pouvait supporter que cette mobilité, ce papillotage sonore. Tout de même on souhaiterait que de temps en temps la musique se donnât carrière, que du particulier elle passât au général et prît un grand parti.

Non sans regretter ce qu’elle nous refuse, ne dédaignons pas ce qu’elle nous donne. Le premier acte est plein de mouvement et de vie. Musique de bazar, (tel étant le lieu de l’action), mais non de pacotille. Maint article y est de choix, et de prix. Au troisième acte, pendant une fête, avec une complaisance naïve et d’ailleurs assez touchante, Narsès fait les honneurs de sa femme au vieil et bienveillant officier, leur convive inconnu ce soir, en qui demain, pour leur bonheur, ils reconnaîtront le Roi. Devant cet homme excellent, et pour lui, Dilara déclame, danse et chante tour à tour. Le triple intermède a de la grâce. Mais j’aime encore mieux, beaucoup mieux, une autre page, peut-être la plus charmante de la partition. Ce n’est pas, oh ! pas du tout, la romance que chante Narsès, les bras levés, en posture d’orante : « Nos destins sont écrits sur les tables du ciel. » C’est un autre chant, une sorte de lied oriental, de Narsès encore, de Narsès amoureux et vantant au vieillard indulgent, quasi paternel et même patriarcal, toutes les grâces et tous les talents de sa femme. Paroles et musique, il y a là deux fois de la poésie. La chanson de l’époux achevée, « Il ment, » réplique en souriant l’épouse. « Il ment comme un amant. Tout cela veut dire qu’il m’aime. » Certes, mais c’est bien quelque chose et qu’on ne pouvait dire plus joliment.

Restons-en là. Gardons cette impression dernière. Quand le Hulla ne serait qu’une collection et comme une vitrine, une étagère de