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garçon, et cela ne laisse pas d’inquiéter un peu Taher. Mais, — et ceci le rassure, — Narsès est amoureux fou d’une autre femme, rencontrée jadis, et que depuis il a cherchée en vain. Taher voit dans cet amour une première garantie d’abstinence. Il prêtera donc sa femme à Narsès. Il y ajoute, — seconde garantie, — une forte somme, comme prime de remplacement, sous la promesse que l’intérim restera platonique.

Ainsi Taher a tout lieu de se flatter que, dans cette aventure, il n’y sera que de son argent.

Vous devinez la suite. La suite, c’est la reconnaissance réciproque de Narsès et de Dilara. Elle l’aimait comme elle en était aimée et l’attendait aussi fidèlement qu’elle en était attendue. Alors la chambre et la nuit qui ne devaient être que pseudo-nuptiales, le deviennent vraiment. Le mari, le beau-père, entrés par surprise, par violence même, en conçoivent une fureur vengeresse. Amants autant qu’époux, Narsès et Dilara sont résolus à le rester. Ils le resteront à peine quinze jours, lesquels d’ailleurs, grâce à la commission payée d’avance au hulla, s’écouleront en fêtes et festins. Dilara, pour gagner du temps, a feint de retrouver en Narsès le fils et l’héritier d’un richissime marchand de Damas. Mais déjà des messagers envoyés aux nouvelles reviennent et dénoncent la supercherie. Arrêtés, les amoureux sont perdus, ou le seraient, si le roi, le bon roi de Perse qui, sous un déguisement, la veille, avait été leur hôte et leur confident, ne venait à la fin les sauver et punir leurs ennemis.

Tel est ce joli conte d’Orient. Scabreux par endroits, le conteur l’a conté légèrement. Aussi bien la morale est indemne en cette affaire. Tout y est régulier et l’on y voit jusqu’à deux maris également légitimes.

La musique du Hulla possède premièrement un mérite peu commun aujourd’hui : elle est raisonnable, elle a du bon sens. Elle ne divague ni n’extravague. Elle est écrite en un seul ton : je veux dire en un seul ton à la fois. Et croyez bien que cette écriture, la plus simple en apparence, trop simple aujourd’hui pour certains, est en réalité la plus difficile. Une phrase de dix mesures, sans modulation, mais sans banalité, sans platitude, cela ne va pas tout seul. Le musicien du Hulla ne semble pas incapable de cet exercice. Nous sommes encore quelques-uns à l’en féliciter, et nous avec lui.

Autre originalité de cette musique : elle laisse entendre les paroles, et les paroles étant de M. Rivoire, c’est tant mieux. Loin de leur être hostile et funeste, elle les sert, elle les favorise. Plutôt que de les