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pastorale et quiète. Il nous faut vivre avec notre mal et, si les machines sont un mal, vivre avec les machines. M. Pierre Hamp a raison de montrer les avantages, les mérites et les bienfaits de l’inévitable nouveauté, s’il n’en dissimule pas les inconvénients.

Il a raison de chercher aussi le remède aux inconvénients qu’il remarque. Le malheur, dit-il, n’est pas l’invention de la mécanique ; seulement, notre époque a inventé la mécanique avec une promptitude extrême et n’a pas inventé en même temps une vie ouvrière adaptée au machinisme. Comme il est socialiste (mais j’avoue qu’il l’est à cause de cela), il résume ainsi son opinion : nous avons inventé les machines et nous n’avons pas inventé la justice. Un mot bien vague, la justice ; le socialisme a le goût de ces mots bien vagues.

Les mots bien vagues ont l’ennui de ne pas déterminer ce qu’ils contiennent de vérité ; mais ils peuvent contenir de la vérité, pourtant. Et il est vrai, qu’un sentiment parfait de la justice engagerait, — et engage, — les sociétés humaines à être bonnes et intelligentes : l’intelligence et la bonté sont d’accord. Le taudis est monstrueux et doit disparaître. Il y a une sorte de bien-être qui est nécessaire à la moralité comme à la santé. Il y a des calamités qui ne sont pas indispensables. Il y a des cupidités qui ont pour conséquences des misères… Je ne crois pas du tout que le socialisme soit un remède à tout cela : ce qu’il faut serait maintes petites réformes, de qualité sociale et morale. Le monde n’en deviendrait pas un paradis terrestre, mais un lieu amélioré où se verrait la bonne volonté humaine, auprès de son ardeur à vivre et de son ingéniosité dangereuse.

Les livres les plus intéressants et importants de M. Pierre Hamp sont réalistes, sont la peinture exacte des métiers. Son premier volume, Marée fraîche, vin de champagne, est toute l’histoire du poisson, depuis qu’on l’a péché, depuis son arrivée au port de Boulogne, et puis son transport, les Halles de Paris, la vente, et jusqu’au restaurant parisien ; toute l’histoire du champagne, le travail du vigneron, le travail du souffleur de verre, etc. Le rail est la description très attentive de la vie aux Chemins de fer, vie des employés et des chefs : M. Pierre Hamp ne néglige même pas ce comparse, le voyageur ; et les incidents quotidiens, les accidents, les catastrophes et les grèves. Il a de bons yeux ; il ne dit rien qu’il ne l’ait vu. Il donne l’impression de la vérité. L’on aperçoit, mené par lui, les torts des uns et des autres, les modifications qui seraient opportunes dans le trantran si imparfait ; l’on aperçoit aussi les fautes qui pro-