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la Peine des hommes, où l’on voit que ce dogmatiste rigoureux n’a guère besoin de l’absolution qu’il accordait et qu’il a pourtant refusée aux frivoles amis d’un beau langage ; il est apôtre.

Donc, abordons l’examen de son évangile.

Je disais qu’il a des idées, les unes très justes, les autres non. Comme tout le monde, j’appelle idées fausses les idées qui ne me plaisent pas. C’est bientôt dit. Un sceptique parfait considère qu’une idée en vaut une autre et, si vous le suppliez de ne pas confondre en un même jugement toutes les opinions, il les distingue seulement par leur plus ou moins de sincérité. Il y a pourtant des idées fausses qui, en dépit de la bonne foi de leurs partisans, ne valent rien. C’est la ressemblance d’une idée avec la réalité probable ou évidente qui fait sa vérité ou sa fausseté.

M. Pierre Hamp est résolument socialiste. Je n’instituerai point, à son propos, — ce n’est pas mon affaire, — le procès du socialisme ; tout au plus aurai-je l’occasion de montrer que ses idées les meilleures sont en contradiction avec sa doctrine plus générale. Si son œuvre n’était qu’un exposé de la doctrine socialiste, je n’aurais point à y regarder.

Son livre le plus récent, Un nouvel honneur, prélude comme suit. Premièrement, il faut qu’on aime le travail, il faut que chacun de nous aime son travail ou son métier. C’est un malheur de notre temps que l’ouvrier n’aime plus son ouvrage. Et comment cela se fait-il ? Voici l’une des causes de ce malheur. Beaucoup de parents mettent leurs enfants à des travaux qui ne comportent pas d’apprentissage ; ils n’ont qu’un souci, que l’enfant gagne un peu d’argent, le plus d’argent possible, tout de go.

Or, autrefois… Louons d’abord un socialiste qui ne craint pas de louer le passé, qui ne croit pas que ses camarades et lui soient les inventeurs et les improvisateurs de la civilisation, qui n’a point une bonne fois relégué dans le néant des siècles morts une coutume ancienne et antérieure aux prophéties de Karl Marx… Autrefois, il y avait l’apprentissage : « La vieille et saine tradition d’apprentissage ne comportait pas le salaire pour l’enfant. Il était élève à qui on donnait l’éducation du métier. L’abus était de tirer profit de lui en l’enseignant peu et en lui faisant faire beaucoup de corvées, de nettoyage, et porter des fardeaux. Mais une maison avait une mauvaise réputation, si elle n’était pas capable de bien instruire ses apprentis. Les ouvriers tiraient gloire de leurs premières années de travail et citaient qui les avait dressés. » Le nouveau système, qui a supprimé