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eu sa célébrité sous la Révolution, et qui se trouve entre Châtillon et Buzançais, méritera peut-être que vous vous écartiez de votre route pour le visiter. A Buzançais sont en ce moment Mme Desgrey et sa fille, lesquelles seront charmées de vous voir. Elles vous enseigneront la route la plus courte pour arriver à Issoudun. Moi, je n’en sais pas d’autre que celle qui passe à Châteauroux. Ne tardez pas trop, et venez jouir de mes dernières roses. Mon pauvre jardin, naguère si riche de fleurs, se ressent de ma désespérance de l’avenir : plus rien ne me sourit. Si vous arrivez à temps, j’aurai donc encore une émotion douce ! le courage ne me manque pourtant pas.

Adieu, bon voyage, et prompte arrivée. J’ai une jolie petite chambre pour vous, où rien ne troublera votre repos. Carraud se réjouit de votre arrivée ; il va controverser à son aise.

ZULMA.


Honoré viendra t-il à Frapesle avant de retourner de Saché à Paris ? Une fois de plus Mme Carraud est déçue.


A Frapesle, le 14 novembre 1S34.

Je vous ai attendu bien longtemps, cher Honoré ; quand Mme Desgrey est arrivée de Villedieu, où elle était chez sa cousine, j’ai bien cru vous voir derrière elle ; mais non. Ce chagrin vint s’ajouter à bien d’autres qui m’avaient envahie ; je croyais ne plus vous revoir, et je regrettais de ne pas vous avoir mieux dit adieu. J’étais si malade, si découragée, que le peu de forces de toute nature qui me restaient suffisaient à peine pour recevoir des hôtes, qui m’avaient accordé quelques semaines ; je ne pouvais plus écrire ; je dépassais de quelques jours, dans mes prévisions, le terme de ma grossesse, et comme d’ordinaire je le devançai ; le temps qui s’écoula entre celui que j’avais fixé pour ma délivrance et cette crise, me fut un supplice insupportable, et qui me demanda des efforts inouïs pour me maintenir dans un état qui ne laissât aucune inquiétude à mon mari, auquel je devais cacher les miennes.

Tout cela vous explique pourquoi je ne vous ai pas répondu, et vous ne m’en voudrez pas. Nous parlions de vous chaque jour ; quelque bruit soudain se faisait-il entendre, de suite nous vous voyions entrer, et pendant quelques minutes chacun restait en suspens. Enfin, vous avez écrit qu’il ne fallait plus vous