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que je ne le suis à Mme de Berny. Elle et vous se confondent en moi, et s’il faut vous le dire, il m’arrive souvent de vous la préférer. — Vous allez bien la voir quelquefois ?

Quels détails de ma vie uniforme pourraient être pour vous de quelque intérêt ? Je suis seule maintenant : Mme Desgrey est à Paris pour deux mois et m’a laissé sa fille ; elle demeure rue de l’Université, 26. Auguste doit être à Milan, à présent, avec son compagnon de voyage, de fortune, et de succès peut-être. Son ravissement l’a pris au Jura et ne semble pas devoir le quitter. Je ne puis plus parcourir mes jardins ; le soir au clair de lune, je puis encore faire quelques tours dans l’allée qui, maintenant, tient au jardin ; c’est mon meilleur instant, et j’ai encore deux grands mois à languir ainsi ! Pourtant je ne désire point voir arriver le terme de cette demi-existence ; qui sait ce qui m’attend ?

Adieu, j’ai fait plus que mes forces ne me permettaient. Si vous aviez le temps d’écrire, je vous demanderais ce que devient Laure. J’ai eu le Médecin de campagne un peu plus tard que vous ne l’aviez annoncé à Auguste ; il y a donc eu avantage à le publier en quatre volumes ? — Nous commençons à être un peu débarrassés de nos ouvriers, ce qui laissera à M. Carraud le loisir de vous écrire, si moi je ne pouvais le faire. — Ivan va bien, sans avoir une santé remarquable. Mille bonnes choses d’amitié pour vous ; je crains si fort de penser ou de lire que je m’abrutis le plus que je peux dans des occupations matérielles. Pourtant, je conserve assez de l’être moral pour influencer de toute façon l’avenir de mon fils, si je dois lui manquer. Amitiés encore.


En octobre, Balzac est à Saché chez M. de Margonne, c’est là qu’il va composer son admirable Père Goriot. Au début d’octobre, une lettre de Mme Carraud vient l’y trouver.


A Frapesle, le 4 octobre 1834.

C’est avec plus de plaisir que jamais, cher Honoré, que je vous recevrai. Si proche d’une crise importante, sinon décisive, j’ai besoin de presser la main de mes amis, et la vôtre le sera chaleureusement. Je savais que vous deviez aller en Touraine, mais je ne croyais pas que ce fût aussi tôt. En quittant Loches, vous arriverez à Châtillon-sur-Indre ; toute cette route offre peu d’appas aux curieux. Le château de Palluau, qui a