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UNE AMITIÉ DE BALZAC
CORRESPONDANCE INÉDITE [1]

V [2]

Nous avons laissé Balzac débarquant à Genève le 18 décembre 1833 pour courtiser la comtesse Hanska, sa nouvelle conquête [3]. Cependant Mme Carraud, appelée à Frapesle par la mort de son père, écrivait au romancier :


Frapesle, le 4 janvier 1834.

J’ai eu une joie bien fugitive, mon cher Honoré ; Auguste m’écrivit qu’il était arrivé à la Poudrerie une lettre à votre adresse ; et, comme il supposait que vous la suivriez de fort près, il fit préparer votre appartement. Mais hélas ! il y a quatre jours, on me renvoya d’Angoulême la lettre de Laure, qui a détruit tous mes enchantements. Vous devez avoir reçu les deux lettres qui étaient pour vous. Je ne sais si vous avez reçu celle que je vous ai écrite d’ici, où je vous parlais de la perte que j’ai faite et du changement qu’elle apportait à mon existence. Je vais retourner à la Poudrerie pour la quitter. J’ai mille raisons de m’en réjouir. Depuis mon départ, il y eut une scène violente chez les voisins, scène dont les suites ont manqué être fatales à la pauvre dame ; elle a été agonisante pendant trois jours, étendue sur un matelas dans sa salle à manger.

Si vous êtes en Suisse, je n’espère pas vous voir à Angoulême ; sans doute, en rentrant en France, vous aurez mille

  1. Copyright by Marcel Bouteron, 1922.
  2. Voyez la Revue des 15 décembre 1922, 15 janvier, 15 février et 1er mars 1923.
  3. Le séjour de Balzac à Genève a été raconté par le vicomte de Lovenjoul dans Un roman d’amour, Paris, C. Lévy, 1896, in-12, p. 96.