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Vous ne m’en voulez pas de rester loin de vous,
Penché sur le mystère,
Pareil à ces pêcheurs dont les engins jaloux
Fouillent la vague amère,

Car vous savez qu’à l’heure où s’étoilent les cieux,
Fatigué des abîmes,
Je vous rapporterai des trésors merveilleux
Au filet de mes rimes.

LES .BAMBOUS


O graciles bambous, époux de la lumière,
Qui livrez au zéphir vos cheveux délicats,
Cependant que la mer se plaint au loin, tout bas,
Et parfume d’embruns la brise printanière :

Sage selon le ciel, et fou selon la terre,
Laissez-moi prendre part à vos jeunes ébats,
O graciles bambous, époux de la lumière,
Qui livrez au zéphir vos cheveux délicats.

Vous frémissez encor de l’averse dernière
Qui vous pare un instant de mobiles éclats,
Et les futurs hivers ne vous flétriront pas,
Végétaux délivrés du poids de la matière,
O graciles bambous, époux de la lumière.

L’AUTEL


O vous, dont tous les pas sont enlacés aux miens,
Et dont les doigts sont prompts à tresser des guirlandes,
Récoltez avec moi ces thyms et ces lavandes,
Et mêlez-y l’ardeur des feuillages païens.

Amoncelez pour moi, sur cette haute pierre,
La vigne dont l’automne orne les bras nerveux,
Le pin, dont chaque écaille est comme une paupière,
Et le genévrier aux hirsutes cheveux.