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Les chevaux de la mer aux crinières sauvages
Apaisent devant toi leur fougueuse querelle :
La trace de ton pied, sur le sable des plages,
S’efface au vent léger qui la touche de l’aile.

Par l’espace attiédi, la neige des nuages
Fait fondre sa candeur presque immatérielle,
Et l’azur transparent ne conserve rien d’elle ;
Mais moi, je vois toujours, charme de ces rivages
La trace de ton pied, sur le sable des plages.

MARSYAS


Lassé de contempler les stériles prairies
Que déroule la mer,
J’ai gagné les vallons dont les herbes fleuries
Aromatisent l’air.

Là, j’ai baigné mon cœur en de vertes féeries,
Loin du rauque concert
Qui, tout à l’heure encor, froissait mes rêveries
De son archet de fer.

Mais lorsque vint le soir illuminer les cimes,
Et noircir les ravins,
Le front pacifié par les rayons ultimes,

J’ai cru voir, suspendue au plus rouge des pins,
La peau de Marsyas, dans l’or crépusculaire,
Eterniser l’horreur d’une antique colère.

LE VOYAGE


Je ne vois plus les fleurs dont je sens encor l’âme,
Ni les rameaux tressant autour de moi leur dôme
Par les sentiers obscurs erre, léger fantôme,
Le souvenir du Jour dont je garde la flamme.

Prestigieuse, avec une haleine de femme,
La nuit fait des jardins son humide royaume,
Et tandis que la mer solennise son psaume,
L’ardeur des daturas charnellement se pâme.