Page:Revue des Deux Mondes - 1923 - tome 14.djvu/641

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pas, chassera le P. Caussin et rendra à Richelieu son pouvoir. On conviendra que, selon toute apparence, ce n’était pas le moment, pour le cardinal, au milieu de pareilles préoccupations, d’attacher à la question du Cid l’intérêt de premier ordre que nous lui attribuons si naturellement aujourd’hui, mais qui, on le comprendra, pouvait ne pas être le même pour l’homme d’État du XVIIe siècle. Précisons ici la manière dont les faits se sont exactement passés.


BOISROBERT S’AGITE

Lorsque Scudéry saisit l’Académie de la proposition que nous avons dite, les académiciens manifestèrent une vive contrariété. Ne pas relever les justes critiques qui avaient été faites du Cid, c’était aller contre la vérité ; mais les signaler, c’était mécontenter le public qui admirait justement la pièce. Or l’Académie était discutée. Elle ne parvenait pas à faire enregistrer au Parlement les lettres patentes qui consacraient sa fondation, les uns incertains de l’utilité de la nouvelle compagnie, les autres redoutant son action. Gombauld écrivait à Boisrobert : « C’est une fâcheuse aventure pour l’Académie qu’il faille que le premier ouvrage qu’elle mette au jour soit la censure d’un autre et ce n’est pas le moyen d’attirer les suffrages du peuple que de blâmer ce qu’il approuve. » Il ajoutait, et c’est un trait à noter : « L’intérêt que vous y prenez (vous, Boisrobert) m’oblige de vous dire mon opinion. » C’est en effet Boisrobert qui, y prenant un « intérêt » particulier, a forcé la main à l’Académie en usant du nom de Richelieu.

Il était l’ami de Scudéry. Scudéry, qui tenait beaucoup à sa requête, multipliait les démarches et les lettres. L’Académie tiendra à dire dans ses Sentiments que « l’Observateur du Cid l’a conjurée par une lettre publique et par plusieurs particulières de prononcer sur ses remarques. » Si Boisrobert seconda Scudéry, ce fut par amitié pour lui ; ce fut surtout par souci de donner du prestige et de l’éclat à cette Académie, fondée sur sa proposition, si attaquée déjà, de croissance si pénible et que les ennemis do Richelieu ridiculisaient du nom de « volière de Psaphon. »

Boisrobert parla à Richelieu. Il avait mis le cardinal au courant des critiques qu’on formulait contre le Cid, car nous allons voir que Richelieu n’avait pas lu les libelles. Les critiques