Page:Revue des Deux Mondes - 1923 - tome 14.djvu/640

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

des Sceaux ; » lorsque Anne d’Autriche, elle-même, dans un besoin extrême d’argent, écrit de sa main le billet suivant, à Richelieu, en 1637 : « La Reine prie M. le cardinal de Richelieu de supplier le Roy de sa part de lui vouloir accorder les deniers qui proviendront de la création d’un office, en chacun des parlements du royaume, de greffier de l’enregistrement des criées ; » et lorsqu’enfin Louis XIII écrira à Richelieu : « Je vous prie mander dès aujourd’hui à M. le chancelier qu’il ne celle aucune lettre de noblesse, si ce n’est que je le lui commande de ma propre bouche, » on s’assurera qu’Anne d’Autriche n’était pas en mesure d’anoblir Corneille à elle seule, en dehors de Richelieu, sans lui et contre lui.

C’est en juillet 1637, au cœur de la querelle du Cid, que se découvre enfin la lettre décisive qui mettra le comble et décidera Louis XIII à agir. On sait le drame : l’envoi d’Anne d’Autriche à Chantilly, les scènes, les pleurs, les désespoirs, l’aveu de la faute et le pardon du Roi. Richelieu a apporté à cette affaire, durant juillet et août 1637, une âpreté extrême qu’explique le danger que courait l’Etat à être trahi au centre même du Gouvernement. Pensait-il à ce moment tant que cela à Chimène, à don Sanche, à dona Elvire ? On peut en douter. Il n’y en a pas trace, en tout cas, dans ses papiers.

Puis, conséquence de cette affaire de la Reine, la fuite, sous un déguisement, de la complice, la duchesse de Chevreuse, en Espagne et en Angleterre. Les pièces relatives à cette fuite, lettres, enquêtes, contre-enquêtes, interrogatoires, dépositions, remplissent les dossiers de Richelieu, et il ne s’y trouve toujours rien sur le Cid et Corneille.

Ainsi, de mois en mois, de semaine en semaine, le ministre est tout entier à des incidents sans cesse renouvelés qui l’absorbent : c’est en septembre une colère du Roi contre lui parce qu’il a cherché à dissuader le souverain d’aller assiéger la Capelle : le cardinal a toutes les peines du monde à faire revenir le prince de sa « fâcherie ; » en octobre, le siège inopiné de Maubeuge par les Espagnols ; en novembre et décembre, la grave affaire du P. Caussin, confesseur du Roi, mettant en jeu la question de conscience pour faire un devoir au Roi de chasser Richelieu. Richelieu, très ému, après de multiples avis qui lui font comprendre que la partie est perdue pour lui, rédigera le 8 décembre sa lettre de démission : Louis XIII ne l’acceptera