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secrétaire d’Anne d’Autriche ou de Marie de Médicis portant le nom de M. de Chalon, — nous avons les listes complètes. — M. E. Picot, le savant auteur de la Bibliographie cornélienne, a cru pouvoir parler de l’évêque de Chalon. Mais celui-ci, M. de Neuchèze, a consciencieusement administré son diocèse de 1624 à 1658, n’a jamais été secrétaire de la Reine et ne s’est pas retiré à Rouen. Depuis le milieu de 1636, Anne d’Autriche est soupçonnée par le Roi et Richelieu d’être mêlée à un extraordinaire complot, qui ne tendrait à rien moins qu’à provoquer contre la France une coalition de l’Espagne avec l’Empire, la Lorraine, la Savoie. L’intrigante duchesse de Chevreuse est l’âme de ce complot. Anne d’Autriche correspond secrètement en Flandre. Krafft et Montagu portent ses lettres au cardinal infant à Bruxelles, à l’ambassadeur espagnol Mirabel. On la surveille. Les lettres finiront par être interceptées. Nous avons la liste de celles qui ont été saisies en 1636 et 1637. Richelieu est indigné, Louis XIII aime mieux se taire et attendre. « Le Roi n’est pas excusable ! » écrit Richelieu. En novembre 1636, on découvre que la reine a fait 800 000 écus de dettes afin d’envoyer de l’argent au dehors. Richelieu est outré ! II mande à Chavignv le 18 novembre : « Il n’est plus raisonnable de laisser la porte ouverte à pareils désordres ! » Mais le Roi ne veut encore rien dire. Seulement on devine ce que peut être la situation d’Anne d’Autriche à la Cour, épiée, isolée, méprisée, et combien son influence est nulle. Elle nous le dit elle-même. A Mirabel, l’ambassadeur, qui lui demande une recommandation auprès de Louis XIII, elle répond avec désespoir : « Parler de cela au Roi est chose impossible : mieux vaut mourir qu’être en un lieu où on peut perdre plus que la vie ! » A Mme du Fargis qui sollicite son appui auprès de Richelieu, elle répond amèrement : « Il n’est pas en mon pouvoir, en ayant fort peu avec M. le cardinal... Ne faites point d’état de mon entremise et cherchez un autre moyen... Il m’est impossible de rien faire. » On ne la voit donc pas solliciter à ce moment du chancelier des lettres de noblesse pour Corneille, afin de récompenser celui-ci d’avoir écrit une pièce contre Richelieu, le protecteur, l’ami de Séguier, qui se refuserait certainement à pareil geste. Lorsqu’on constate, en effet, que Gaston d’Orléans, frère de Louis XIII, pour avoir un acte de la chancellerie, en est réduit à demander au secrétaire d’Etat de Chavigny « un billet de M. le cardinal à M. le garde