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second, le Souhait du Cid, par MM. Bouquet et Chardon, à J. Sirmond. Or Charles Sorel de Souvigny et Sirmond ont été des collaborateurs de confiance de Richelieu, chargés par lui de la rédaction de libelles défendant sa politique et ses idées en réponse à des adversaires. En sorte qu’on pourrait presque dire que si Richelieu, en sous main, a pris part au débat, ce n’aurait pas été pour faire attaquer Corneille, mais plutôt pour le faire défendre. En réalité Richelieu, n’a fait ni attaquer ni défendre Corneille, il avait en tête de bien autres et bien plus angoissantes préoccupations.

Ouvrons ses dossiers durant la période où se déroule l’affaire du Cid : l’année 1637. Elle a été pour le cardinal une des plus pénibles et des plus dures de son ministère. Après 1636, où il a pu voir l’invasion étrangère menacer Paris, les ennemis arriver sur l’Oise, Noyon, Pontavert, incendier les villages du Beauvaisis, les Parisiens, pris de panique, fuir vers la Loire en maudissant son nom, l’année qui suit est remplie par la guerre qui continue, les intrigues de cour, les luttes intérieures inextricables, au cours desquelles Richelieu manque d’être renversé. Son itinéraire établit que, tout compte fait, il n’est pas demeuré à Paris, — entendons même Chaillot et Charonne, — l’espace total de plus de deux mois et demi durant cette année. On se bat partout : en Franche-Comté, en Alsace, en Flandre, sur les côtes de Provence, dans le Luxembourg. Richelieu, qui a organisé quatre armées et une flotte de soixante navires, doit entretenir les effectifs, combiner les plans de campagne des armées, car c’est à lui qu’incombe ce soin. Il projette de mettre sur pied pour 1638 sept armées nouvelles et, d’avance, il les prépare, réunissant personnel et matériel. On se fait difficilement une idée de la somme de travail qu’il doit fournir et du tracas que représente ce travail, auquel il s’applique avec la diligence d’un sous-ordre et dans le détail.

Puis, les difficultés intérieures viennent doubler, l’une après l’autre, les complications des affaires extérieures. C’est Monsieur, le frère du Roi, qui organise un complot pour l’assassiner, s’enfuit de Paris à la fin de 1636, songe, en janvier 1637, le mois du Cid, à gagner l’étranger pour s’aboucher avec les ennemis. Richelieu, très inquiet, prend des mesures, met des soldats partout : la guerre civile est imminente ! Il écrit découragé : « Nous avons la guerre dedans le royaume et