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sommes à débiter leurs voieries ! » L’auteur d’un libelle, d’allure neutre, l’Inconnu et véritable ami de Messieurs de Scudéry et Corneille, écrivait : « Tout Paris n’ignore pas maintenant le différend qui est entre M. de Scudéry et M. Corneille pour s’être entrepris insensiblement à écrire l’un contre l’autre. » Et le publiciste qui recommandait, afin de clore l’incident, d’envoyer tout le monde, dos à dos, devant le Parlement de Paris, ne soupçonnait pas, évidemment, qu’il proposait de traduire devant les magistrats le premier ministre du royaume, fauteur secret de la dispute.

A défaut du Parlement, on sait que Scudéry, convaincu que la lutte était sans issue et qu’il était utile qu’un jugement intervint, sûr qu’il se croyait du bien fondé de ses critiques, s’avisa, pour en finir, de solliciter de l’Académie française son sentiment, et, par une lettre rendue publique de la fin de mai 1637, pria l’Académie de dire ce qu’elle pensait et de ses Observations sur le Cid et du Cid lui-même. C’est ici que le nom de Richelieu va être prononcé.

Jusqu’ici le cardinal n’a sûrement rien dit. Son silence est attesté par le témoignage indirect de Corneille. Chapelain écrit à Balzac en janvier 1639 qu’il vient de recevoir la visite de l’illustre poète. Celui-ci n’écrit plus depuis 1637. Il est découragé : les violences de ses ennemis l’ont paralysé. Il revient amèrement sur le passé. Il reproche à Chapelain son rôle dans la rédaction des Sentiments de l’Académie ; il s’épanche contre ses envieux, contre Scudéry qui « a, du moins, gagné en le querellant de le rebuter du métier et lui a tari sa veine, » contre tout le monde, mais il ne fait aucune allusion à Richelieu. Il ne semble pas se douter que le cardinal ait participé en quoi que ce soit à la polémique dont il se plaint tant.

Il y a plus : Boisrobert nous fait savoir qu’au fort de la dispute, par prudence, l’entourage de Richelieu est resté sur une très grande réserve et a gardé soigneusement le silence. Mairet a écrit à Boisrobert plusieurs fois. Boisrobert n’a pas répondu. Il s’en excusera auprès de Mairet dans une lettre du 5 octobre 1637, laissant entendre que c’est volontairement qu’il a agi de la sorte. Il se trouve que parmi les écrits favorables à Corneille il y en a deux, dont l’un, le Jugement du Cid par un bourgeois de Paris marguillier de sa paroisse, est attribué, dans une thèse de M. Émile Roy, à Charles Sorel de Souvigny, et le