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les cinq auteurs commencèrent leur collaboration, la Comédie des Tuileries, soit de Richelieu, lequel aurait fait travailler les poètes sous ses yeux en les dirigeant.

D’après M. F. Bouquet, le judicieux auteur des Points obscurs et nouveaux de la vie de Corneille, l’élaboration de la Comédie des Tuileries se placerait vers la fin de 1634 et les deux premiers mois de 1635. Si nous consultons les papiers du cardinal à cette date, nous trouvons le ministre absorbé par la préparation très grave de la guerre imminente avec l’Empire germanique, laquelle va être déclarée dans quelques semaines. Il multiplie les lettres relatives aux négociations diplomatiques en vue de s’assurer des alliances, rassemble des troupes, fait fabriquer des munitions, constituer des magasins d’approvisionnement, transporter des canons, réquisitionner des chevaux, le tout en entrant dans le détail le plus minutieux comme un simple commis. En février, au moment où il devrait suivre les répétitions de la pièce, il dresse le plan de la jonction de l’armée française avec celle de Hollande alliée, afin de combiner une attaque concentrique sur les Pays-Bas espagnols et négocie à cet effet. Un chef de Gouvernement, de nos jours, ayant de pareilles préoccupations dans l’esprit et obligé de passer ses nuits à travailler, aurait-il le goût et le loisir de consacrer des heures entières de sa journée à composer une tragédie en vers avec des jeunes gens ? On peut poser la question.

Corneille, dit M. Marty-Laveaux, n’a travaillé qu’à la Comédie des Tuileries et s’est retiré du groupe après que cette pièce a été achevée, ce qui placerait le fait à la fin de février 1635, puisque la pièce a été jouée le 4 mars. D’après Voltaire, qui dit tenir le renseignement des derniers princes de Vendôme, petits-fils de César de Vendôme, contemporain de Richelieu, Richelieu ayant arrangé lui-même toutes les scènes de la Comédie se serait impatienté de ce que Corneille eût fait des modifications dans le troisième acte qui lui avait été confié et lui aurait déclaré avec humeur « qu’il fallait avoir un esprit de suite, » ce qui aurait occasionné le départ de Corneille… On pourrait remarquer que l’expression « avoir l’esprit de suite » est certainement une expression du XVIIIe siècle, mais qu’elle n’appartient pas au vocabulaire de Richelieu ; que César de Vendôme, ayant été emprisonné par le gouvernement de Richelieu quatre années, de 1626 à 1630, et, plus tard, contraint de s’enfuir en