Page:Revue des Deux Mondes - 1923 - tome 14.djvu/626

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sans s’en occuper autrement. Nous avons relativement à l’édification du château de Richelieu la correspondance de Sourdis, l’archevêque de Bordeaux, qui est chargé de l’affaire. Sourdis rend compte, multiplie les lettres : Richelieu ne répond pas. On a même pu dire qu’il n’était jamais allé voir son château du Poitou, ce qui n’est pas exact. Il n’achèvera pas la Sorbonne. Il habitera très peu le Palais-Cardinal. C’est que Richelieu, homme de gouvernement avant tout, est tout entier appliqué aux affaires publiques qui l’absorbent. Si l’on vient le solliciter pour des questions étrangères à ses préoccupations, il vous écarte d’un geste. Boisrobert écrit à un de ses amis auquel il avait promis de parler à Richelieu d’une requête : « Son Eminence m’a dit qu’elle ne voulait se mêler de cette affaire en façon quelconque. » Lorsque l’Académie française propose d’entreprendre le travail du dictionnaire et prie le même Boisrobert de consulter le cardinal, Boisrobert fait savoir à la compagnie que « le cardinal n’a rien répondu à cette proposition, soit qu’il ne la goûte pas, soit qu’il ait l’esprit rempli de quelque autre chose. » On voit l’homme : très intelligent, très grand, dédaigneux. Ceci va nous expliquer la place que le théâtre a tenue dans sa vie.

Car il a aimé le théâtre, mais il l’a aimé comme le reste, à titre de délassement fortuit et occasionnel. « Monseigneur le cardinal, écrit Tristan l’Hermite dans sa préface de Panthée, de 1637, se délasse parfois en l’honnête divertissement de la comédie. » De Rueil, de Chaillot, Richelieu vient en carrosse assister à une représentation à son hôtel de Paris, puis repart après la représentation.

Il ne se distrait pas seulement des représentations scéniques : le cas échéant, il cause aussi volontiers des pièces et de leurs sujets. Il a quelques familiers, en petit nombre, presque tous des ecclésiastiques, notamment des évêques. Il les invite à déjeuner à Rueil, et, après les repas, se promenant dans les jardins, devise avec eux. Parmi eux est un prêtre, François Hédelin, abbé d’Aubignac, dont Richelieu a fait un précepteur de son neveu Brézé. Cet abbé, fort instruit, s’intéresse lui aussi au théâtre et en a étudié les conditions dans l’antiquité. Le cardinal s’entretient d’art dramatique avec l’abbé d’Aubignac et pousse la conversation assez loin pour le prier d’écrire un livre sur la Pratique du théâtre. D’Aubignac écrira le livre et le publiera en 1657 en nous donnant ces détails.