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restent acquis à la Syrie : le respect de l’indépendance des États libanais et syriens, consacrée par le Pacte de la Société des Nations, l’amour-propre éveillé des populations l’imposaient. Aussi des musées sont-ils déjà ouverts à Beyrouth pour les vestiges de la civilisation phénicienne, à Damas pour les œuvres de l’art arabe ; le musée d’Alep pour les antiquités hittites, assyriennes et byzantines reste à fonder ; pour les antiquités grecques et romaines, elles sont réparties entre les musées de l’État où elles ont été trouvées.

Faut-il regretter que ces témoins du passé restent hors de chez nous ? On pourrait le croire à première vue, mais je ne saurais être de cet avis. Lorsque les musées du Liban et de Syrie, grâce à l’appui que vous voudrez bien continuer à la Mission archéologique de Syrie, se seront développés, ils présenteront un attrait, une récompense pour les voyageurs qui, ayant eu le courage de s’arracher pour quelques semaines aux horizons étroits et embrumés d’Europe, iront au royaume de la lumière goûter le charme et la douceur d’un pays pittoresque, varié, vivant, curieux, où les montagnes plongent à la fois dans la mer et dans le désert, où le fabuleux passé surgit à chaque détour du chemin, où l’indolence orientale coudoie l’activité moderne. M. Philippe Sassoon, l’ami de l’ancien Premier Anglais, n’appartient-il pas à une famille d’Alep qui, émigrée à Bagdad, puis à Bombay, possède aujourd’hui à Londres un hôtel où j’ai vu Son Altesse Impériale et Royale le Prince de Galles à côté du comte Sforza et de M. Briand, et une somptueuse villa où s’est réunie une des innombrables conférences de la Paix ?

Les artistes en Syrie sont aussi heureux que les archéologues : le Jardin sur l’Oronte, — Yamilé sous les cèdres, et le Chemin de Damas, comme les aquarelles de Pierre Vignal en sont des preuves éclatantes.

Quant au goût des Syriens pour les arts tels que nous les entendons en Europe, d’après les études faites à ce sujet par M. Henry Bidou, il ne se manifeste que chez quelques individus isolés qui ont voulu devenir peintres et sculpteurs à la manière de l’Occident. Ils sont à Beyrouth deux ou trois sans maîtres, presque sans exemples, qui cultivent la peinture comme un art exotique et d’ailleurs non sans talent. Le don naturel et la ténacité ont triomphé des obstacles. Le peu qu’ils ont appris semble