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notre sac, et, comme il est bondé, ils en oublient presque l’heure des vêpres. Pierre leur fait un tableau fantastique des magnifiques destinées qui attendent le couvent, une fois que... « Avez-vous pensé aux grandes fêtes qu’il y aura ici, quand le général Joffre et le Président Poincaré et Gallieni et Castelnau et tous les autres viendront, à la tête des chasseurs alpins, assister ici à la messe d’actions de grâces ? Pour ne pas être pris au dépourvu, préparez votre sermon de circonstance, et surtout arrangez-vous pour avoir assez de vin dans vos caves, afin d’éviter la mésaventure des Noces de Cana et de ne pas avoir besoin d’un miracle. » Et, en bon vigneron qu’il est, Pierre ajoute : « Je vous avertis que mes vins ne supportent pas du tout le mélange avec l’eau de Sainte-Odile, et vous ferez bien de me faire dès à présent une forte commande. » Le brave directeur rit de la faconde gasconne de son jeune ami : « Si tu crois que les Français se contenteront de tes vins ! » Mais deux heures et demi ont sonné et, à leur grand regret, les deux abbés sont forcés de prendre congé de nous. Quand nous passons devant l’église, nous entendons la voix de l’abbé Hans entonner un vigoureux Deus in adjutorium, et nous croyons deviner en faveur de quelle nation l’officiant implore l’adjutorium du Dieu des armées...


CHARLES SPINDLER.