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Delbrück, dans son dernier discours, parle avec estime des Français tt compare la guerre à un champ clos où deux nations également policées sa mesurent en un combat chevaleresque. Tout le mépris est maintenant pour les Anglais.

Tout cela, ce sont des symptômes : je ne pense pas que ce changement soit provoqué par une plus juste appréciation de la France, je croirais plutôt qu’il est le résultat des difficultés de l’entreprise. L’écrasement de l’ennemi héréditaire devait être l’affaire de quelques semaines et l’on s’aperçoit qu’on s’était trompé. Si vraiment les Allemands devaient être vaincus, je ne sais comment ils en supporteraient l’humiliation. Plutôt que de céder l’Alsace, ils la mettraient à feu et à sang.


18 septembre. — ...L’enquête clandestine du gendarme se poursuit contre moi. Il a interviewé notre vieille cuisinière sur mes faits et gestes : c’est le soir et dans une petite ruelle de Bœrsch que l’interrogatoire a eu lieu, — sous le sceau du plus grand secret naturellement.

C’est maintenant moi qui suis soupçonné de cacher le fameux commandant. Une voisine prétend avoir vu la nuit un individu qui se promenait dans ma cour, — évidemment le commandant qui prenait de l’air. Mes bons amis racontent dans l’endroit que je ne vais pas tarder à être coffré...


19 septembre. — ...Ce matin, nous avons eu par la Suisse des nouvelles de Paris. Mon neveu Jean va partir pour le front, mon beau-frère Léon se bat dans les Vosges ; sa femme, qui reste avec nous, se fait d’amers reproches de ne pas être allée en temps opportun à Paris où elle ne serait pas aussi sevrée de nouvelles. .. Et l’on n’entrevoit toujours pas la fin de la guerre... L’énervement de cette longue attente, puis l’atmosphère de suspicion et de délation qui nous enveloppe, fait qu’on se sent mal à son aise. Les conversations dégénèrent, sous l’influence des nerfs, en controverses. Tout cela nous donne un avant-goût de ce que seront après la guerre les réunions de famille. Je vois déjà mes neveux Georges et Maurice, — ce dernier est maintenant incorporé aux dragons à Fribourg, — narrer leurs prouesses devant leur cousin Jean qui leur donnera la réplique, en admettant toutefois que chacun en réchappe.

On a beau faire, l’avenir se présente sous les couleurs les