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Je retourne vers mes hommes qui sont tous étendus dans le garage. Un sous-officier excuse la conduite des soldats, disant qu’ils s’imaginaient être en pays ennemi, qu’en arrivant en Alsace ils avaient déjà commis une méprise analogue, que dans un village, Dieboldsheim, le commandant et une partie de la troupe avaient été logés dans un château, qu’ils étaient descendus à la cave et avaient commencé à piller. Il y avait notamment dans cette maison des panoplies d’armes et d’armures de prix que plusieurs des hommes avaient décrochées, quand tout à coup le régisseur était survenu et les avait traités de voleurs, disant que sa maîtresse n’était pas française, mais italienne..


18 août. — Ce matin, les équipages sont enfin partis. J’avoue que ce premier contact avec les troupes me laisse une impression assez peu satisfaisante. Si les hommes se comportent ainsi chez nous, comment seront-ils en France ? Ce n’est point avec des gens qui mettent à votre disposition ce qu’ils ont de mieux qu’on se conduit de la sorte ! Que Dieu nous préserve à l’avenir de pareilles visites...


APRÈS LA BATAILLE DE SARREBOURG

La brusque avance des Français a jeté quelque désarroi parmi les Allemands qui s’imaginent avoir été espionnés et trahis. Mais, le 21 août, l’on apprend que, battus à Sarrebourg, les Français ont repassé la frontière. La bataille paraît donc s’éloigner de la Basse-Alsace. Au premier instant, tout le monde s’imagine que le sort de la guerre est désormais fixé, que la France est perdue. La nouvelle de la prise de Bruxelles confirme cette impression. Devant la certitude du désastre, M. Spindler tâche d’en distinguer les causes. Pour lui, le parti militaire de l’Empire est responsable de la guerre, et il conte à ce propos une très curieuse anecdote. Mais que n’a-t-on cherché à s’entendre, quand il en était temps encore ? Et il revient à cette vieille chimère d’un rapprochement franco-allemand que lui et quelques autres Alsaciens ont si longtemps caressée : la différence de race, après tout, n’est pas si grande ; en Alsace, on s’est trop acharné sur certains travers des Allemands dont on a exagéré l’importance... Quelques jours encore : lui-même la sentira cruellement, cette « différence de race, » et nous verrons comment il qualifiera ces légers « travers. » D’ailleurs, la visite des Wurtembergeois à Saint-Léonard lui avait déjà fait perdre quelques-unes de ses illusions.