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donner de la peine avait son pain assuré ; qui sait si, redevenus Français, nous pourrons en dire autant ? Moi, je crois toujours qu’on s’arrangera. » Je lui réponds : « Ça n’en prend pas la tournure. » Et il en a l’air tout triste.


Tel était, d’après M. Spindler, l’état des esprits au jour de la déclaration de guerre.


FAUSSES NOUVELLES ET IMPRESSIONS CONTRADICTOIRES

Dès le 7 août, on apprend que l’agression des Français à Sainte-Marie avant toute déclaration de guerre est une fable ; M. de Bethmann-Hollweg aurait donc trompé le Reichstag. Ce mensonge étonne un peu M. Spindler, mais il ne trouble pas beaucoup l’aimable compagnie qui, dans une jolie villa du Klingenthal, par une belle soirée d’été, souhaite la paix prochaine et calcule les chances des adversaires. Le lendemain, le canon tonne dans les Vosges, et le bruit se répand que des batailles se livrent dans le Haut-Rhin...


7 août. — Pour nous dérouiller un peu les jambes, nous allons ce soir, mon frère et moi, à K., chez nos amis S. Nous y trouvons nombreuse compagnie. On écoute les récits que fait un employé de notre ami venu à bicyclette de Colmar. Fausse, la nouvelle de l’invasion des Français à Sainte-Marie ; mais alors, cette agression dont la France se serait rendue coupable en pleine paix, au dire du chancelier, ne serait qu’un mythe, une invention dont le but saute aux yeux !

Les journaux nous apprennent la déclaration de guerre de l’Angleterre et la résolution de l’Italie de rester neutre. Tout le monde s’accorde à dire que ces nouvelles sont un appoint formidable pour l’Entente. Comme il est à prévoir que la neutralité belge ne sera pas respectée, il faut s’attendre à une grande bataille dans le Nord. Dieu veuille que cela finisse bientôt ! Tel est le vœu de chacun. On suppute les chances des antagonistes. L’armée allemande est formidable, admirablement outillée, le soldat brave et plein d’entrain, puis la nation a pris un essor industriel et commercial tellement colossal que j’ai peine à croire à sa défaite. D’un autre côté, les Français doivent être bien outillés aussi, quoi qu’en ait dit le sénateur Humbert ; puis ils sont les descendants des soldats qui, sous Napoléon Ier, ont