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éclaircissements Je m’en acquitterai aussi brièvement que possible.


Il ne fait lien qui ne soit alsacien. Ses forêts sont celles des Vosges ; ses groupes d’arbres ont poussé dans la campagne voisine ; sa cathédrale de Strasbourg lève à l’horizon de Saint-Léonard sa flèche unique ; ses châteaux en ruines pointent parmi les pins au-dessus d’Ottrott et de Barr ; ses vieilles maisons en colombage, ses cheminées couvertes sur lesquelles est posée la couronne d’épines où la cigogne fait son nid ; ses toits longs et pendants, gonflés, d’une amplitude maternelle, pareils aux ailes d’une poule couveuse immobile et dont on peut compter les rangs de plumes ; ses ruelles, ses ponts protégés, ses fontaines où l’eau toujours jeune jaillit hors des pierres antiques ; ses tours rectangulaires, coiffées, girouettées, munies d’un cadran d’horloge et que perce la route à l’entrée des villages ; tout a été vu et peut se voir à Colmar, à Schlestadt, a Kaysersberg, à Riquewihr, en vingt autres places, bourgs ou hameaux de ce pays où l’on a tout bâti, tout détruit, tout reconstruit, comme pour prouver vingt fois qu’il fait bon vivre sur son sol.


C’est ainsi que M. René Bazin a défini l’originalité des dessins et des compositions de M. Spindler. On ne saurait mieux dire. Oui, c’est l’Alsace tout entière qui revit dans ces panneaux où les caprices des veines et des fibres du bois traduisent avec une merveilleuse fidélité les nuances de la campagne et du ciel. D’ailleurs, depuis plus de vingt ans, tout le monde connaît ces charmants ouvrages, et, parmi les milliers de Français qui, en ces dernières années, visitèrent l’Alsace, bien peu n’ont point fait le pèlerinage de Saint-Léonard.

Alsacien, M. Spindler ne l’est pas seulement par goût et tempérament d’artiste. Cet homme simple, réfléchi et blond, aux yeux clairs, à la démarche lente et au parler bonhomme est un excellent exemplaire de sa race. Il faut l’avoir vu dans son intérieur, parmi les siens, fumant sa pipe à petites bouffées et contant d’une voix .malicieuse une « bonne histoire. » Vous l’entendrez parler, car son journal a gardé le sans-façon de la causerie, cet . accent inimitable de simplicité et d’humeur contenue qui est le ton même de l’Alsace. A vrai dire, les conversations qu’il rapporte perdront ici un peu de leur saveur, car, s’il rédige ses notes en français, il fait souvent dialoguer les