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état d’esprit créent chez les Damasquina de telles sensations indéfiniment répétées. Mais je passe en courant sur la route, éclatante de blancheur dans sa poussière, et voici déjà la propriété de l’émir Omar.

Au long de la route, un mur, une porte, une pente en escalier entre les arbres, et l’Emir qui me tend la main. Il a fait guetter notre approche, de manière à nous accueillir au seuil de son domaine. Tout en causant, sous un couvert de feuillages, nous gagnons la maison, assez vaste et bien assise sur une terrasse, dont la vue embrasse agréablement la petite vallée.

Un escalier de belle largeur conduit à un vaste salon, planchéié et ciré, nullement encombré, que décorent des portraits d’Abd-el-Kader. Nous nous asseyons dans une chambre à la suite, et fumons des cigarettes, tandis qu’un serviteur nous apporte, non pas du café, mais des tasses de thé. L’Emir m’exprime le regret que mon séjour trop court ne lui permette pas de me faire les honneurs de ses chasses. Il me parle de ses chiens et d’un poème que son frère a consacré aux chevaux. Puis passant aux affaires, il souhaite la construction d’un chemin de fer de Homs à Bagdad, et me dit que c’est le rêve de son frère Ali. Cependant nous visitons la charmante propriété. Sa gloire est une eau courante, et, sur cette eau, un assez large pont de planches, où l’on peut diner sous un berceau de vignes, d’arbres et de fleurs. Non loin s’élève un kiosque, d’où une petite fille cuivrée nous surveille. Tout cela très simple, en bois, ni peint, ni façonné, mais agréablement adapté à une vie de repos sous la chaleur.

Chemin faisant, j’ai dit à l’Emir mon intention de visiter le tombeau de son illustre père, et quand je veux prendre congé de lui, très galamment, il m’exprime le désir de m’en faire les honneurs.

Nous voilà partis en voiture, pour gagner sur les pentes de Sàléhiyé, non loin du tombeau d’Ibn-el-Arabi, le philosophe et poète mystique, une petite mosquée dont les fenêtres ouvrent sur la verdure.

— Nous aurions voulu enterrer notre père seul, me dit l’Emir, mais c’est ici le lieu le plus vénéré de Damas.

On tire d’une armoire, pour que je les admire, de riches manuscrits du Coran et de ses Commentaires. C’est une heure pleine d’humanité, où, dans un silence amical, s’accordent un